De nouveau privé de son titulaire globe-trotter, l'Orchestre Métropolitain donnait hier soir, dans une salle Maisonneuve bien remplie, la quatrième et dernière audition d'un ambitieux programme Liszt-Chostakovitch présenté en périphérie au cours du week-end.

Pour cette mini-tournée de quatre concerts en quatre jours, l'OM se retrouvait entre les mains de Keri-Lynn Wilson. La blonde et très élancée maestra canadienne de 42 ans, déjà invitée par l'OSM et par l'Opéra de Montréal, dit quelques mots en français et en anglais. (Mme Wilson est mariée à Peter Gelb, le directeur général du Metropolitan Opera, lequel était venu de New York assister au concert.)

La soliste, la pianiste arménienne Nareh Arghamanyan, premier prix au Concours international de Montréal de 2008, marquait le bicentenaire de la naissance de Liszt en jouant deux oeuvres du compositeur hongrois... mais dans un ordre différent de celui qu'indiquait le programme. On entendit d'abord le deuxième Concerto, ensuite la Totentanz (ou Danse macabre). Ce n'est qu'après l'entracte que la correction fut faite au micro.

Le jeu étonnamment puissant de la délicate pianiste pouvait induire en erreur l'auditeur moyen. Je regardais les deux mains balayer le clavier de rapides octaves et glissandos et, effectivement, l'exercice pouvait correspondre à ce que le programme imprimé annonçait, c'est-à-dire Totentanz.

Et pourtant non. Nous étions dans le deuxième Concerto, moins clinquant et tellement plus beau que le premier. La pianiste nous en offrit une interprétation racée, puis enchaîna avec la Totentanz, où le déploiement de virtuosité rejetait toute vulgarité, où il y avait même place pour la rêverie.

On nota quelques fausses notes et quelques flottements entre piano et orchestre - choses difficiles à éviter dans les circonstances. Pour l'ensemble, deux bonnes prestations. La pianiste y alla même d'un rappel: l'arrangement (bien inutile) d'un extrait de l'Orphée de Gluck.

Chostakovitch ouvrait et fermait le programme. Jouée en premier lieu, la brève et tapageuse Ouverture de fête est une pièce de circonstance sans grande valeur. Tout à l'opposé, la cinquième Symphonie est l'un des échos les plus troublants du régime soviétique dont Chostakovitch fut l'une des victimes.

L'OM l'a jouée deux fois dans la même salle: en 2000 avec Joseph Rescigno et en 2005 avec Nézet-Séguin. Celui-ci, son prédécesseur également, connaissaient les problèmes acoustiques de Maisonneuve et y équilibraient l'orchestre en conséquence. Mme Wilson n'ayant visiblement pas eu le temps nécessaire pour trouver une solution, l'OM sonnait moins bien que lors des deux précédentes exécutions.

Chef et orchestre ont cherché leur chemin pendant les deux premiers mouvements. La cohésion sonore ne s'établit qu'au Largo, le troisième mouvement. Dirigeant de mémoire, Mme Wilson le rendit avec une expression très soutenue d'où s'élevait la plainte de la flûte, du hautbois, de la clarinette, de la harpe, tous à leur affaire. Elle passa immédiatement au Finale. Bien que la partition n'indique rien en ce sens, son initiative donnait encore plus de force au terrifiant accord sur lequel débute le morceau - une force qu'elle maintint d'ailleurs jusqu'à la fin.

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ORCHESTRE MÉTROPOLITAIN. Chef invité: Keri-Lynn Wilson. Soliste: Nareh Arghamanyan, pianiste. Hier soir, salle Maisonneuve de la Place des Arts.

Programme:

Prazdnitchnaya Ouvertioura, op. 96 (1954) - Chostakovitch

Concerto pour piano et orchestre no 2, en la majeur, S. 125 (1839, rév. 1861) - Liszt

Totentanz, pour piano et orchestre, S. 126 (1849, rév. 1859) - Liszt

Symphonie no 5, en ré mineur, op. 47 (1937) - Chostakovitch