Joseph Rouleau a consacré sa vie à la musique. Et il n'a pas encore chanté sa dernière note. À 82 ans bien sonnés, ce patriarche de l'opéra se rend quotidiennement à son bureau des Jeunesses musicales du Canada, avenue du Mont-Royal. Mercredi soir, l'OSM rend hommage au chanteur et à cette institution en leur consacrant le second concert de la série Les grands Québécois.

Né à Matane au sein d'une famille nombreuse, Joseph Rouleau est venu à Montréal avec ses frères pour étudier au Collège Jean-de-Brébeuf à 17 ans. Ce futur interprète de Boris Godounov ignore encore qu'il a «une voix» et songe à une carrière en droit.

C'est Gilles Lefebvre, cofondateur des Jeunesses musicales, qui lui fait prendre conscience de ce don exceptionnel. Mais à l'époque, il n'est pas question, pour un petit gars de Matane, de faire carrière en musique.

Il participe quand même à plusieurs concours d'amateurs où il gagne de petits prix. «C'était beaucoup grâce à l'aide de mon frère, qui amenait tous nos collègues de classe dans la salle, car la quantité d'applaudissements déterminait le gagnant», se souvient-il.

Ses débuts

En 1949, il remporte un concours plus sérieux: le prix Archambault. Cette victoire marque un tournant décisif en lui permettant de rencontrer Wilfrid Pelletier, qui le convainc d'entrer au Conservatoire. Il devient alors le premier élève en chant de l'histoire de cette institution. Par la suite, après des études en Italie, il fait ses débuts à l'opéra de La Nouvelle-Orléans, personnifiant Colline dans La Bohème.

À son retour, il doit passer une audition à New York devant David Webster, le directeur du Covent Garden de Londres. Malédiction: au jour prévu, le voilà pris d'une laryngite! Heureusement, l'audition est reportée.

«Je crois beaucoup à la force du destin, dit-il. Le docteur m'avait autorisé à ne chanter que trois airs, ce que j'ai fait. À la fin, David Webster s'est approché et il m'a dit: «My boy, would you like to join Covent Garden?»»

Ce premier contrat prévu pour six mois avec la célèbre maison d'opéra allait durer 30 ans, au cours desquelles il a chanté 49 rôles et donné 1000 représentations. «Mon nom est plutôt écrit sur les murs», blague-t-il. Il a aussi fait entendre sa voix de basse en tournée sur les scènes du monde entier, et chanté, entre autres, aux côtés de Joan Sutherland et de Luciano Pavarotti.

Le Québec

Joseph Rouleau n'allait pas se contenter de triompher sur les grandes scènes du monde. Il voulait faire avancer l'art lyrique au Québec. En 1975, l'Opéra du Québec, ancêtre de l'Opéra de Montréal, avait fermé ses portes, faute de financement. Deux ans plus tard, il réunit un groupe de chanteurs pour fonder avec lui le Mouvement d'action pour l'art lyrique du Québec. Ils ont trois objectifs en tête: créer une maison d'opéra à Montréal, une à Québec, ainsi qu'une école supérieure d'opéra.

Leurs pressions auprès du gouvernement allaient mener à la création de l'Opéra de Montréal en 1980. Par la suite, l'Opéra de Québec et l'Atelier lyrique de l'Opéra de Montréal furent fondés.

Les Jeunesses musicales du Canada

Même si le chanteur a pris une soi-disant retraite en 1998, il n'en demeure pas moins très actif. Président des JMC, qui fêtent leur 60e anniversaire cette année, il s'active à poursuivre la mission d'éducation et de diffusion musicale de l'organisme depuis 21 ans. Il a également cofondé avec André Bourbeau le Concours Musical International de Montréal en 2002, auquel il consacre beaucoup de temps.

Pour ce concert hommage, on entendra des oeuvres de Brahms, Bach, Prokofiev, Mozart, Verdi, Rossini et Puccini, sous la direction de Jean-Philippe Tremblay. Les Petits Chanteurs du Mont-Royal seront de la partie, ainsi que plusieurs solistes invités, dont Alexandre da Costa, Marianne Fiset et Serhiy Salov. Joseph Rouleau chantera un air de Verdi et un autre de Rachmaninov.

«Et si les gens aiment ça, je vais faire un rappel», dit-il, éclatant de son rire de basse tonitruant qui résonnera encore longtemps dans les corridors des JMC.

Hommage à Joseph Rouleau et aux Jeunesses musicales, le 9 mars, à 20h, à la salle Wilfrid-Pelletier.