En trois étés consécutifs au Festival de Lanaudière (récitals et concerts avec orchestre), Valentina Lisitsa a donné, je pense, sa mesure. Les prestations lanaudoises de la blonde pianiste ukrainienne de 41 ans constituent finalement un ensemble inégal que confirme son récital d'hier soir à Pro Musica.

Pour résumer, je dirais que Valentina Lisitsa est une technicienne très impressionnante mais une musicienne limitée. Je dirais plus: je ne souhaite pas particulièrement la réentendre, sauf si elle nous revient avec une rareté comme la deuxième Sonate de Chostakovitch.

Quelle heureuse idée d'avoir pensé à cette sonate, sûrement la plus importante des deux que le compositeur soviétique destina au piano, mais qu'on n'entend jamais. Gilels vint la jouer autrefois, et l'enregistra. La documentation s'arrête à peu près là. Chostakovitch l'écrivit à la mémoire de son ancien professeur de piano - geste touchant - et la créa lui-même à Moscou en 1943.

L'oeuvre est abstraite, comprend trois mouvements très structurés et très pianistiques et requiert une parfaite indépendance des deux mains. Le finale est constitué de 10 variations enchaînées et basées sur un thème énoncé à la main droite seule sur une trentaine de mesures. Du récital entier, c'est ce que la pianiste fit de mieux. Comme en contact avec l'esprit de cette musique, elle articulait chaque phrase, pesait chaque détail, redonnait vie au texte, que j'avais par bonheur sous les yeux.

Elle aurait dû terminer avec le Chostakovitch. Elle choisit plutôt les six Moments musicaux de Rachmaninov, succession d'«états d'âme» dont deux ou trois seulement sont intéressants. Sa virtuosité à tout casser et sa puissance sonore servirent les quatrième et sixième pièces, quitte à affecter l'accord du piano à l'aigu! Elle ne parvint pas à convaincre dans les autres mais fit bien d'omettre la longue reprise à la troisième pièce.

La seconde moitié du programme était russe et fut la meilleure. La première moitié était allemande et fut la moins bonne. Dans les deux cas, la pianiste passa d'une oeuvre à l'autre sans se lever et sans faire d'arrêt appréciable. Étrange procédé.

La Sonate op. 10 no 3 de Beethoven et les Études symphoniques de Schumann n'avaient pas été suffisamment préparées au plan technique. La pianiste commit plusieurs petites fautes dans les deux oeuvres, traversa le Schumann laborieusement et s'embourba au finale.

Bien que rappelée une seule fois, elle s'engagea dans ce qui s'annonçait comme une intégrale des Valses de Chopin en guise de rappel - ou presque! En tout cas, je suis parti à la troisième Valse.

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VALENTINA LISITSA, pianiste. Hier soir, salle Maisonneuve de la Place des Arts. Présentation: Société Pro Musica.

Programme:

Sonate no 7, en ré majeur, op. 10 no 3 (1796-98) - Beethoven

Études symphoniques
, op. 13 (1834) - Schumann

Sonate no 2, en si mineur, op. 61 (1943) - Chostakovitch

Moments musicaux
, op. 16 (1896) - Rachmaninov