Comme sujet baroque cette saison, l'Atelier d'opéra de McGill a puisé chez Handel et s'est arrêté à l'un des moins connus de ses quelque 50 ouvrages scéniques: Imeneo. On pense automatiquement à Idomeneo de Mozart. Rien à voir, sauf que les deux opéras se passent en Grèce.

L'intrigue semble compliquée mais est plutôt simple. Attaquées par des pirates, les jeunes Athéniennes Rosmene et Clomiri sont sauvées par un jeune homme vaillant nommé Imeneo. Comme récompense, notre héros demande la main de Rosmene. Celle-ci ne veut rien entendre, étant fiancée à un certain Tirinto. Par contre, l'autre Athénienne, Clomiri, est amoureuse d'Imeneo, mais celui-ci reste de glace devant ses avances.

Suivant une formule fréquente à l'opéra, voici notre Rosmene déchirée entre l'amour et le devoir, c'est-à-dire entre son bien-aimé Tirinto et cet Imeneo qui lui a sauvé la vie et ne manque pas de le lui rappeler. Finalement, la petite écoute la «voix du bon sens» que lui fait entendre Argenio, le père de Clomiri, et épouse Imeneo.

Y compris deux entractes, l'oeuvre fait près de trois heures. Cela reste encore long, si l'on tient compte de la mince intrigue et si l'on n'est pas un inconditionnel de l'opéra baroque. Mais, dans l'absolu, il s'agit d'une belle réussite de la part du directeur de l'Atelier de McGill, Patrick Hansen, qui a conçu le spectacle.

On nous dit que les trois actes se déroulent dans un jardin. Le jardin, ici, se ramène à six gigantesques piliers verticaux avec, au centre, une tête grecque suspendue au-dessus d'un petit bassin rempli d'eau et d'un petit banc, tout cela étant éclairé de couleurs différentes. Les costumes, fidèles à l'imagerie grecque d'époque, complètent un spectacle toujours agréable à l'oeil. Un détail, quand même : Rosmene et Clomiri sont toutes deux en blanc, de sorte qu'on se demande souvent laquelle est laquelle.

Les cinq personnages étant presque toujours en scène en même temps, M. Hansen saisit l'occasion pour créer toutes sortes de rapprochements et d'oppositions qui soulignent leurs relations. Par exemple, lorsque Rosmene feint d'être devenue folle, flanquée des deux êtres entre lesquels elle devra choisir.

Certains détails ne sont pas clairs cependant. Ainsi, les personnages meurent tous à la fin du premier acte... pour ressusciter ensuite. Et cette tête coupée qu'on apporte : une allusion à Salomé? Rien dans le programme ne justifie ces initiatives.

La distribution d'hier soir (il y en a deux, comme toujours) indique que la direction d'acteurs a été très soignée. Tous jouent avec une réelle conviction, et principalement Sarah Gilbert, intense Rosmene à la voix très agile, et Esteli Gomez, touchante en Clomiri cherchant désespérément à se faire aimer d'Imeneo. De même, tous sont à la hauteur de la virtuosité vocale requise ici et préfigurant par moments le Messiah qui viendra deux ans plus tard.

Le rôle d'Imeneo fut créé par une basse. À McGill, il passait hier soir à un ténor, Kevin Myers, au chant un peu «carré» mais efficace. Rebecca Henry confère un beau timbre de mezzo et l'allure de circonstance au personnage masculin de Tirinto, créé par un castrat. Enfin, Gordon Bintner fait entendre une belle voix de basse, un peu jeune cependant pour un père.

Dans la fosse, le claveciniste Hank Knox et l'Orchestre baroque de McGill accompagnent bien les chanteurs, exécutent la musique de Handel avec une virtuosité égale à celle des voix et soulignent les audaces harmoniques de la partition.

IMENEO, opéra en trois actes, livret de Silvio Stampiglia, musique de George Frideric Handel (1740). Production: Atelier d'opéra de l'Université McGill. Mise en scène: Patrick Hansen. Décors: Vincent Lefèvre. Costumes: Ginette Grenier. Éclairages: Serge Filiatrault. Orchestre baroque de McGill. Dir. Hank Knox. Avec surtitres français et anglais. Première hier soir. Reprises ce soir, 19h30, et demain, 14h.