Le célèbre Orchestre de Philadelphie, censé être dirigé à partir de 2012 par le maestro montréalais Yannick Nézet-Séguin, s'est placé sous la protection de la Loi sur la faillite ce week-end.

La direction de l'ensemble fondé en 1900 assure toutefois qu'un plan de restructuration est en train d'être élaboré et qu'aucun concert ne sera annulé.

Samedi, l'orchestre s'est enregistré sous la protection du chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites. Cette loi permet à une entreprise en difficulté de continuer à fonctionner normalement, tout en lui laissant le temps de chercher un accord avec ses créanciers.

Selon la direction, l'orchestre opère actuellement avec un déficit structurel de 14,5 millions de dollars. Ce déficit aurait été engendré par une diminution de la vente de billets et de la philanthropie, ainsi que par les transferts au régime de retraite à prestations déterminées de ses employés. Selon des documents comptables publiés sur le site de l'orchestre, les sommes allouées au fond de retraite sont passées de 9,8 à 18,9 millions de 2008 à 2009, tandis que les revenus ont chuté de 53,1 à 29,4 millions durant la même période. L'organisme a par ailleurs évalué que l'argent dans son fonds opérationnel serait épuisé en juin prochain.

La crise traversée par l'orchestre ne semble pas influencer les plans de carrière de Yannick Nézet-Séguin. «La situation ne change en rien ses plans, ni sa relation avec l'orchestre, a indiqué sa mère et adjointe, Claudine Nézet. Il est préoccupé, mais confiant.» M. Nézet-Séguin a décliné notre demande d'entrevue.

Membre du Big Five

L'Orchestre de Philadelphie fait partie du Big Five, un club qui réunit les cinq orchestres les plus prestigieux des États-Unis. Il est présentement dirigé par l'ancien chef de l'Orchestre symphonique de Montréal, Charles Dutoit.

«Je me sens dépassé et horrifié par les événements des derniers jours», a écrit M. Dutoit dans une lettre qu'il a fait parvenir à ses musiciens dont certains extraits ont été publiés dans le journal Philadelphia Inquirer. «Pour le moment, je suis sans voix, mais je voulais vous laisser savoir que vous êtes dans mon coeur, dans mes pensées et que j'ai hâte d'être de nouveau réuni avec vous pour traverser ces moments difficiles.»

En entrevue avec La Presse, le critique musical du Philadelphia Inquirer, Peter Dobin, a expliqué que l'avenir de l'orchestre allait dépendre du plan présenté par la direction de l'orchestre. «Il n'y a aucun philanthrope ou donateur qui aura de l'intérêt pour l'orchestre si le niveau et la qualité musicale baissent. Je pense que tout le monde doit se concentrer là-dessus.»

Si l'orchestre souhaite garder ses musiciens de haut calibre et attirer la crème, il devra nécessairement offrir des conditions de travail «compétitives» à ses musiciens et éviter de sabrer démesurément le régime de retraite. Selon ses sources, l'entreprise devrait lancer sous peu une campagne de financement de 160 millions de dollars (la plus importante de son histoire) afin d'éviter d'être liquidée.

L'Orchestre de Philadelphie est le premier grand orchestre américain à se placer en faillite. «Ce n'est pas le seul orchestre à opérer avec un déficit aussi élevé, a toutefois expliqué M. Dobin. Je pense que ce qui vient de se produire lance un message aux autres orchestres, chefs et solistes. L'équation économique a non seulement changé, mais dans bien des situations, elle ne fonctionne plus.»

- Avec l'Agence France-Presse