Deux heures de Bach porté par le violon d'Isabelle Faust, seule en scène et bien droite devant une partition qu'elle regardait à peine. Dans la salle, 400 personnes plongées dans le silence le plus agissant et le plus total. De part et d'autre de la rampe, cette concentration palpable qui transfigure le concert et nous amène ailleurs.

Cette expérience, comme on n'en vit que rarement dans une saison, nous l'avons connue hier soir, salle Bourgie, où s'ouvrait le cinquième Festival que Montréal consacre depuis 2005 au compositeur sans doute le plus important de l'histoire.

Des six Sonates et Partitas pour violon seul de Bach, la violoniste allemande de 39 ans avait retenu les Sonates nos 2 et 3 et les Partitas nos 2 et 3, traduisant dans toute sa plénitude cette musique intérieure, austère, abstraite, mais combien enrichissante. Mardi prochain, Benjamin Beilman complétera l'intégrale avec la Sonate no 1 et la Partita no 1.

Isabelle Faust jouait sur le fameux Stradivarius de 1704, baptisé «La Belle au bois dormant», que lui prête une banque allemande. Soucieuse d'exactitude stylistique, elle utilisait peu de vibrato. Son discours était toujours parfaitement clair. Ainsi, cette façon de faire parler Bach à travers les doubles cordes de la très longue fugue à quatre voix de la troisième Sonate. Son articulation et sa justesse étaient irréprochables, sans parler de son endurance exceptionnelle : deux heures de Bach, allégées par un entracte. Un ou deux très légers grincements, vers la fin, sont tout à fait compréhensibles.

La violoniste fit toutes les reprises sans exception, variant parfois le second énoncé par une discrète ornementation ou une accentuation différente. Son approche était à la fois sobre et expressive, toujours appuyée sur une respiration naturelle. Les nuances «piano» et «forte», qui en surprirent certains, figurent bel et bien dans le texte de Bach. Les références «BWW» (sic) du programme imprimé avaient cependant de quoi étonner...

Isabelle Faust avait agencé les quatre oeuvres de façon à terminer le programme avec la célèbre Chaconne de la deuxième Partita où, en 15 minutes, elle récapitula dans un nouvel élan ce qu'elle venait de dire avec une telle éloquence.

ISABELLE FAUST, violoniste. Hier soir, salle Bourgie du Musée des beaux-arts. Dans le cadre du cinquième Festival Bach de Montréal.

Programme : Partita no 3, en mi majeur, BWV 1006, Sonate no 3, en do majeur, BWV 1005, Sonate no 2, en la mineur, BWV 1003, et Partita no 2, en ré mineur, BWV 1004, pour violon seul (c. 1720) - J. S. Bach