La soprano québécoise Marianne Fiset faisait cette semaine ses débuts à l'Opéra national de Paris dans le rôle-titre de la Manon de Massenet, temps fort incontesté d'une carrière jeune, mais prometteuse. Entre deux représentations dans la «Grande Boutique», Place de la Bastille, la chanteuse s'est entretenue avec La Presse.

«Un art vivant»

«Moi, je suis plutôt favorable aux nouvelles mises en scène, qui changent l'époque ou le lieu d'un opéra pour le rapprocher du public. La tradition est importante, mais tout est question d'équilibre.» Marianne Fiset insiste: dans son métier, tout repose sur la voix, mais le jeu d'acteur est essentiel. Selon elle, les metteurs en scène de théâtre ou de cinéma exigent des chanteurs qu'ils repoussent continuellement leurs limites, un processus créatif qu'elle trouve stimulant et nécessaire.

«L'opéra n'est pas qu'un beau tableau qu'on accroche au musée, dit-elle, c'est un art vivant. On ne devrait pas tenter de réinventer la roue, mais il faut toujours raconter quelque chose au public.»

À Paris, cette semaine, on peut dire que Marianne Fiset a été servie. D'abord doublure de Natalie Dessay, «la» grande soprano française, elle fut appelée à monter sur scène pour deux représentations de plus que prévu, son illustre collègue étant tombée victime du froid sibérien qui enveloppe toujours l'Europe. Un cadeau en forme de défi pour celle qui chantait le rôle de Manon pour la première fois.

«J'ai reçu l'appel de l'Opéra ce matin-là, puis je me suis dit: ça y est! Le personnage de Manon est absolument fascinant, et Coline Serreau (la metteure en scène) en a développé une vision très contemporaine, aux accents tragiques. Manon, l'ingénue transformée en courtisane, cherche la vérité dans le plaisir, puissance dix. Son ascension est fulgurante, sa chute, spectaculaire. Elle ne peut pas échapper à son destin», explique-t-elle.

Comment atterrit-on à l'Opéra de Paris en tant que doublure de la grande vedette de la maison, après quelques engagements honorables, mais plus anonymes en Europe? Marianne Fiset éclate d'un rire entendu.

«C'est ce qui s'appelle être au bon endroit au bon moment, confie-t-elle. Après une audition générale, avec plusieurs autres chanteurs, la responsable de la distribution de l'Opéra est venue me voir et m'a demandé si je chantais le rôle de Manon. Je connaissais les grands airs, mais pas en profondeur. Elle m'a convoqué deux semaines plus tard pour une autre audition. Vous connaissez la suite de l'histoire...»