Le cri d'alarme des artistes s'est fait entendre sur la scène du Club Soda, hier soir. Si les flèches à l'endroit du gouvernement Harper ont fusé de toutes parts à l'occasion de ce spectacle d'appui à la culture, la plupart des participants ne se sont toutefois pas prononcés ouvertement sur scène en faveur de l'un des partis d'opposition.

Seul le chanteur de Mes Aïeux, Stéphane Archambault, a révélé à La Presse, quelques minutes avant l'événement, qu'il ne voterait jamais pour les conservateurs. Ainsi, dans la foulée de toute une série de moyens de pression pour dénoncer les coupes de 45 millions dans des programmes destinés aux arts, plusieurs représentants du milieu culturel s'étaient réunis hier soir pour participer à un concert gratuit intitulé Les coupures, ça tue la culture.

Ariane Moffatt, Urbain Desbois, Mes Aïeux, Luce Dufault, Philippe B, Yves Lambert, Tricot Machine, Ian Kelly, La Descente du coude, Michel Rivard, El Motor, Thomas Hellman, Fred Fortin et Karkwa faisaient partie de la liste d'invités. Plusieurs politiciens dont le chef bloquiste, Gilles Duceppe et le leader du Nouveau Parti démocratique, Jack Layton, étaient sur place.

Le but de cet événement : célébrer la culture et conscientiser les politiciens de tout acabit de l'importance de soutenir les arts, a mentionné l'un des organisateurs du spectacle, Philippe Laperrière, quelques heures avant le début de la soirée.

Vers 18 h, les gens faisaient la file à l'extérieur du Club Soda afin d'avoir une place de choix pour voir le concert, prévu à 19 h. « Je suis professeur de littérature et on travaille très fort pour convaincre les étudiants que la culture c'est important, a indiqué Maryse Pellerin, alors qu'elle attendait pour entrer, en compagnie d'un ami. Les artistes, ce sont des producteurs d'économie.»

«C'est important pour nous de venir ici pour donner notre appui à la culture», a souligné pour sa part Mélitza, jeune Montréalaise qui tenait dans sa main un petit drapeau du Québec.

La chaleur montait à mesure que les gens se massaient dans la salle. Quelque 900 spectateurs étaient sur place. Pour ceux qui n'ont pas réussi à se frayer un chemin à l'intérieur un écran géant avait été installé à la place de la Paix, petit parc situé rue Saint-Laurent, à deux pas du Club Soda.

L'arrivée surprise de l'humoriste Daniel Lemire a donné le ton à cette soirée animée par André Robitaille. «On est ici ce soir pour manifester notre mécontentement, a lancé Daniel Lemire sous les applaudissements de la foule. D'ailleurs, je ne pense pas qu'il y ait des candidats conservateurs dans la salle. Pour les conservateurs, la plus grande manifestation culturelle, c'est le Stampede de Calgary!» a-t-il lancé, déclenchant le rire des spectateurs.

Le comédien Vincent Graton, qui avait dénoncé les coupes avec véhémence lors du Gala des prix Gémeaux, est également venu s'adresser à la foule en disant parler au nom des gens ordinaires : les bibliothécaires, les éclairagistes, les préposés aux guichets.

Politique en chanson

En chanson, Ariane Moffatt a ouvert le bal suivie par Urbain Desbois. Dès que le chanteur a entonné les premières paroles de sa chanson, il a lancé son message : « Comment veux-tu qu'on survisse, on est toutes au salaire minimal. » Mes Aïeux, Yves Lambert et Michel Rivard comptent parmi ceux qui ont fait le plus lever la foule.

Moment fort de la soirée : lorsque Michel Rivard a présenté une version longue de neuf minutes du célèbre clip Culture en péril, le mettant en vedette avec Stéphane Rousseau et Benoît Brière.

«Il y a toute une relève qui ne verra pas le jour, il y a des films qui ne se feront pas, il y a des artistes qui vont être muselés, et c'est pour eux que ce film-là a été fait », a-t-il dit avant la présentation du clip.

Les spectateurs ont visiblement apprécié puisqu'ils ont ri du début à la fin. Le chanteur s'est même amusé à faire la présentation du clip en anglais : « It's a little film for thank you Mr. Harper for all the coupures ! »

Présence des politiciens

Puis, lors d'une présentation, le chef bloquiste, Gilles Duceppe a été chaudement applaudi. Jack Layton a également reçu un accueil chaleureux, mais on a pu entendre quelques huées. La Presse n'a aperçu aucun représentant du Parti conservateur.

Du côté libéral, le député sortant Denis Coderre et le comédien Sébastien Dhavernas, qui se présente comme candidat du PLC dans Outremont, étaient également présents. La foule leur a réservé un accueil plutôt froid. Plusieurs spectateurs les ont chahutés.

« C'est important pour nous d'envoyer un message de solidarité, a mentionné Denis Coderre, en entrevue à La Presse. C'est épouvantable d'avoir un premier ministre qui méprise notre culture. »

Se disant heureux que les artistes aient pris cette initiative, le porte-parole du Parti québécois en matière de culture, Pierre Curzi a déclaré avant le concert que « c'était une occasion formidable de se rendre compte à quel point notre vie est tissée de culture. Harper est en train de nous donner toutes les raisons de faire la souveraineté du Québec. »

Maka Kotto, la présidente de la CSN, Claudette Carbonneau ainsi que le président de l'Union des artistes (UDA), Raymond Legault, étaient aussi sur place. D'ailleurs, l'UDA organise ce matin un point de presse pour demander au prochain gouvernement fédéral de consacrer 1 % du budget total à la culture.

Après le concert, le public était invité à continuer la fête à la Société des arts technologiques (SAT), situé à côté du Club Soda, où des DJ se sont chargés l'animation musicale.

Par ailleurs, une marche de solidarité pour la paix, l'environnement et la culture se tiendra à Montréal le 5 octobre.