Un ours polaire qui vole. Des raquettes en babiche. Des vélos qui roulent la tête à l'envers. Des acrobates qui flottent au-dessus d'une scène immense. Et de la danse, parfois même avec du feu.

Le Cirque du Soleil a présenté hier soir à Macao la première de Zaia, son premier spectacle permanent en Asie. Signé Gilles Maheu (Carbone 14, Notre-Dame-de-Paris), Zaia raconte l'histoire d'une jeune adolescente partie découvrir le cosmos pour finalement s'apercevoir que sa terre n'est pas trop mal.

«Je suis assez relax aujourd'hui, a confié le directeur de la création, quelques heures avant la première. Il y a deux ou trois semaines, je n'étais pas dans le même état.»

Ce qui l'agaçait, c'était la technique, la mécanique: tous ces moteurs et ces poutrelles d'acier allaient-ils finalement pouvoir suivre le scénario conçu il y a maintenant trois ans? «C'est ça qui est énervant. Si la technique et la mécanique ne fonctionnent pas bien, ça casse le rythme du show

D'ailleurs, les spectateurs présents hier soir ont bien failli ne pas voir le numéro de grands volants, où les porteurs lancent et attrapent les voltigeurs à tour de rôle. Il a été réintégré seulement mercredi au spectacle, rendant les concepteurs nerveux, dont Neilson Vignola, directeur de création. «J'avais les orteils et les doigts croisés.»

Même hier soir, la version présentée a été écourtée de deux minutes, sur les sept ou huit que doit durer le morceau. «On ne voulait pas présenter ce qui n'était pas mûr», a expliqué M. Vignola, après la première. Le résultat est quand même impressionnant, un des meilleurs morceaux du spectacle.

Ce qui a compliqué la tâche du Cirque, c'est que ces grands volants sont d'inspiration nord-coréenne. Le plan original était de faire venir des artistes nord-coréens. Or, le Cirque fait affaire à Macao avec une entreprise américaine (Las Vegas Sands Corporation), qui ne peut pas entretenir de relations avec des entreprises issues de cet «État voyou», explique Gilles Ste-Croix, vice-président principal au contenu créatif.

«C'est aussi pour ça qu'on ne peut pas prendre de danseurs cubains pour le spectacle de René Simard (qui va débuter à Macao l'an prochain). On est en Chine communiste, mais la compagnie est américaine, donc on ne peut pas le faire.»

Des duos forts

Un des points marquants de ce spectacle est la force de ses trois duos: un main à main où un homme porte une femme pendant que défilent des aurores boréales; un bambou aérien où un couple se balance sous la lune, accrochée à une tige de métal; et un numéro de sangles aériennes sensuel qui met en valeur la hauteur de la scène de 90 pieds dessinée par Guillaume Lord.

Avec l'éclairage d'Axel Morgenthaler, toute la salle prenait d'ailleurs hier soir l'air de ce qu'on nous avait expliqué il y a quelques mois: l'intérieur d'un immense oeil à travers duquel on voit le cosmos. Détail: les étoiles projetées en fond d'écran sont celles que l'on peut voir à Macao, quand le ciel le permet.

Et puis il y a cette grande sphère qui, pendant toute la durée du spectacle, se promène au-dessus de la tête des spectateurs. Que ce soit grâce à elle ou aux rails en ellipse qui transportent tout un chacun, l'espace de la salle de 1800 places est entièrement utilisé, pas seulement la scène.

Le dernier numéro, celui de trampolines et d'une double planche sautoir, en rappelle un déjà vu dans le spectacle LOVE (sur les Beatles) où les acrobates sautent sur une cabine téléphonique. N'empêche, il demeure impressionnant, notamment grâce aux costumes colorés de Dominique Lemieux.

Il reste quand même quelques longueurs à ce spectacle qui fait aussi une place importante à la danse, avec trois chorégraphies. Les numéros des clowns, qui servent de transition, gagneront à être raccourcis avec le rodage. «Comme tout spectacle, ce n'est jamais fini», concédait lui-même Gilles Maheu, avant le début de la représentation.

On a aussi fait des efforts pour lier l'histoire de Zaia à des numéros empruntés à d'autres créateurs. Parfois, ces liens demeurent tout de même ténus.

Le plus frappant est un numéro de «Rola-bola», c'est-à-dire un échafaudage de tuyaux et de planches sur lequel un acrobate se tient en équilibre. On a beau apprécier quelque peu son adresse, son rapport avec l'histoire est difficile à établir.