Poète, danseuse, journaliste... Catherine Lalonde est une artiste plurielle, qui conjugue à tous les temps les deux grands pôles de sa vie: la danse et l'écriture. Sa création, Musica nocturna/La nuit sera courte, présentée dans le cadre du FIL, ne pourra être autre chose qu'intense.

D'une poésie écrite pour le concours littéraire de Radio-Canada, Musica nocturna est devenu un spectacle qui, lorsque nous avons rencontré sa génitrice, est toujours en chantier. Parce que Catherine Lalonde, la plus récente lauréate du prix Émile-Nelligan (pour Corps étranger, chez Québec Amérique) est sans cesse en exploration. Du corps et de l'esprit.La lecture du Journal de la création de Nancy Huston - qui a d'ailleurs signé la préface de son recueil - a transformé son regard sur le spectacle qu'elle était en train de monter. «En partant de son observation, le fait que l'on associe l'homme au texte et la femme à l'oralité, au corps, je me suis dit: c'est ce que je mets en scène instinctivement!»

Musica nocturna, c'est un couple (le comédien Jean-François Casabonne et la danseuse Geneviève La), dans sa relation de dépendance physique et intellectuelle. Tout à leur passion, ils sont dans un flot de paroles et de mouvements. Ils sont entourés de livres et le lit est fait de papier. Ce décor, Catherine Lalonde le considère comme une installation artistique éphémère puisque ce sont des livres qui ont été sauvés, temporairement, du pilon, et qu'ils y retourneront. «Je me pose aussi la question de la temporalité, de la difficulté de laisser des traces, dit celle qui affirme ne pas vouloir trop publier, après avoir vu les titres de quelques amis dans les bacs de recyclage. Et qu'est-ce que ça peut donner un livre qui bouge, un corps de papier? Il n'y a pas 36 solutions: ça revole!»

Comment réunir le corps et l'esprit? Qui domine? Le couple de Musica nocturna est évidemment symbolique, le féminin et le masculin représentant les deux pôles artistiques de Catherine Lalonde, qui s'interroge beaucoup sur la «sexualisation» de ses disciplines. Existe-t-il une écriture féminine? Cette question l'intéresse et elle déplore qu'on ne veuille plus aborder ce débat.

«On ne veut plus en parler parce qu'on est dans une littérature capitaliste, comme dans une société capitaliste, et qu'à partir du moment où on dit qu'il y a une différence, il faut qu'il y en ait une qui soit meilleure que l'autre, soutient-elle. Ce qui n'est pas le cas. On n'a qu'à voir les forces et les faiblesses de chacun et apprendre. Oui, il y a une différence! On m'a dit que les idées n'ont pas de sexe, mais les idées sont portées par un corps et ce corps a un sexe, ce corps a une psychologie, un passé, une histoire, il porte tout ça, donc l'écriture a un sexe!»

Entièrement absorbée par Musica nocturna, Catherine Lalonde, qui dit s'ennuyer très vite et avoir besoin de changement, participe aussi à d'autres spectacles du FIL, notamment le Dub & Litté de Michel Vézina et Vander (27 septembre), ainsi que Erlenmeyer (25 septembre) de D. Kimm. Mais elle n'était pas prête à incarner elle-même Musica nocturna sur scène. «C'est ma mise en scène, mon texte, ma gestuelle, mais je ne bouge pas encore. C'est trop de responsabilités artistiques. Et puis, j'en suis consciente, le mélange danse-poésie est un peu casse-gueule...» Oui, mais, avec Catherine Lalonde, cela ne peut avoir que de la gueule.

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Musica nocturna/La nuit sera courte, de Catherine Lalonde, avec Jean-François Casabonne et Geneviève La, jusqu'au 26 septembre, 21 h 30, à l'Usine C. Infos: www.festival-fil.qc.ca, ou 514-521-4493.