En lançant sa saison 2009-2010 avec une adaptation d'un roman de Jules Verne, le Théâtre Denise-Pelletier est assuré que sa réouverture, après plus d'un an de rénovations, ne passe pas inaperçu. Un projet ambitieux porté par le metteur en scène Jean-Guy Legault.

Transposer sur scène des histoires apparemment injouables au théâtre, c'est visiblement l'un des dadas de Jean-Guy Legault. Ces dernières années, le metteur en scène et directeur artistique du Théâtre des Ventrebleus a livré une adaptation de Scrooge (d'après Charles Dickens) et un collage de la vie et de l'oeuvre de l'auteur des Histoires extraordinaires, Edgar Allan Poe. Le voilà qui s'attaque à autre monument: Jules Verne.

Des nombreux récits publiés par le père de la science-fiction française, Jean-Guy Legault a choisi l'un des plus universellement connus et sans doute le plus difficile à raconter au théâtre, Vingt mille lieues sous les mers. Imaginez, le metteur en scène doit évoquer à la fois l'immensité des fonds marins et trouver une façon de placer ses acteurs dans le plus célèbre submersible de l'histoire de la littérature, le Nautilus.

Vingt mille lieues sous les mers a été ramené à l'essentiel. Embarqués sur une frégate américaine, le professeur Aronnax (Luc Bourgeois), son valet Conseil (Éloi Cousineau) et le harponneur canadien Ned Land (Louis-Olivier Mauffette) font naufrage et se retrouvent prisonniers du Capitaine Nemo (Bruno Marcil). «La pièce est axée sur la relation d'Aronnax et de Nemo, souligne le metteur en scène, qui signe également l'adaptation. On met aussi l'accent sur le fait que c'est une espèce de jailbreak

Aronnax est en effet partagé entre l'envie de suivre ses compagnons, qui veulent s'évader à tout prix, et sa curiosité de scientifique. Se trouver à bord du Nautilus lui ouvre toutes grandes les portes d'un monde qui l'intéresse au plus haut point. Recouvrer la liberté revient alors pour lui à renoncer à la connaissance. «Le désir de montrer la beauté de la nature et de la défendre, on le conserve à travers le personnage de Nemo», signale par ailleurs Jean-Guy Legault.

Vingt mille lieues sous les mers permet aussi de s'interroger sur la place que l'homme (infiniment petit) occupe dans l'infiniment grand univers - qu'il soit marin, comme ici, ou spatial. Sur la peur que l'être humain ressent devant l'inconnu et sur la mauvaise habitude qu'il a de toujours détruire ce qu'il possède.

Beauté mécanique

Pour recréer la mer sur scène, Jean-Guy Legault a d'abord choisi de ne pas surcharger l'aire de jeu. «Le Théâtre Denise-Pelletier, comme Duceppe, a une grande scène qu'on a tendance a vouloir meubler, constate-t-il. Mais dans sa vastitude, cette scène est l'océan...» Son spectacle fera appel à des projections, mais rien de réaliste qui pourrait le rapprocher de National Geographic.

Sa scénographie repose sur deux éléments principaux: un hublot (symbole d'enfermement, mais aussi d'ouverture sur le monde marin) et une pastille pivotante. Gardant en tête que Verne décrit le Nautilus comme une machine extraordinaire, le metteur en scène veut faire sentir le caractère mécanique de cette pastille capable de tanguer, de basculer et de s'élever à plusieurs pieds du sol. C'est-à-dire qu'elle va faire du bruit.

«J'haïs ça quand on cherche à cacher les artifices au théâtre, parce c'est en les affichant qu'ils se démarquent du cinéma, affirme le metteur en scène. Je veux faire sentir que cette structure comme les bateaux ou les sous-marins sont des créations de l'homme. Créer une sensation de danger.

«Il y a un élément de risque, poursuit-il, faisant référence aux comédiens qui doivent évoluer sur ce plateau mouvant. Le théâtre a besoin de ça, je pense. Il faut que les spectateurs se disent: je ne sais pas comment ils font ça. Il faut que les gens soient fascinés. S'ils croient qu'ils peuvent faire pareil, on a manqué notre coup.»

Vingt mille lieues sous les mers, du 11 novembre au 9 décembre au Théâtre Denise-Pelletier.