Commençons par la fin, tiens, avec la conclusion de cette reprise d'Alegria, classique du Cirque du Soleil créé en 1994 et revisité dans un format «aréna», pour marquer les 25 ans du Cirque. Fleur, Oiseaux, Chanteuses, Tamir et compagnie ont exécuté leurs salutations finales, coincés sous un trampoline.

De la part d'une troupe de recrues, on aurait passé l'éponge. Mais le Cirque du Soleil qui se met à l'ombre pour dire au revoir à son public? Maladresse impardonnable, pour ne pas dire une hérésie. Surtout qu'il s'agit d'une oeuvre acclamée par la critique, dont le thème musical est le plus persistant des vers d'oreille des deux dernières décennies.

Serait-ce parce que l'art circassien s'est raffiné et transformé, depuis 15 ans, qu'Alegria n'émerveille pas, ni même étonne? Blâmons plutôt la vastitude de la scène du Centre Bell et sa situation d'infériorité par rapport aux spectateurs, éléments qui n'avantagent pas le cirque. Au creux de l'arène, les saltimbanques d'Alegria paraissent tout petits, éparpillés sur la scène, empêtrés dans une scénographie approximative et prisonniers d'un arsenal technique qui se dévoile sans pudeur.

Il y a aussi cette esthétique très mauve, très «années 90» (avec un éclairage d'inspiration impressionniste qui tapisse la scène), qui a pris un coup de vieux. De la poussière ici et là et quelques toiles d'araignée se font sentir, dans ce spectacle de deux heures (avec un entracte de 20 minutes), qui reste néanmoins accessible, familial et un peu convenu.

Mais bon, cela reste quand même agréable de passer un après-midi chez Guy Laliberté. Les artistes de ce show hyper rodé (5000 représentations depuis 15 ans) livrent avec assurance et précision ces numéros si typiques de l'esprit du Cirque. Tout est réglé au quart de tour, on se fait bercer, prendre par la main...

Ces mythiques personnages (Fleur, Vieux oiseaux, les Nymphes, la Chanteuse en blanc) portent en eux la poésie de ce ballet circassien chorégraphié comme de la dentelle. C'est joli à regarder, ces danses du feu, ces numéros de roue Cyr, cette «tempête de neige» qui balaie tout, ces vertigineux numéros de trapèze synchronisés.

Sorti de son chapiteau, Alegria perd son côté éthéré et prend une dimension un peu trop réaliste. Et si (comme moi), on a la malchance d'être logé dans un siège au sommet d'une section, de biais avec la scène, la vue est obstruée par des cordages et les artistes apparaissent en miniature.

Chouette idée, quand même, de reprendre les classiques du Cirque du Soleil en aréna (après Saltimbanco, en 2007.) Mais un petit coup de vernis du côté de la direction artistique n'aurait pas fait de tort, pour actualiser Alegria et mieux réussir son voyage dans le temps.

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Alegria, jusqu'au 30 décembre au Centre Bell.