À force d'expérimentation et avec un peu de chance, les créateurs du spectacle Paradis perdu ont mis au point un effet de 3D à l'aide de projections multiples. Un procédé tout à fait novateur jamais vu dans un spectacle de scène, affirme nul autre que le patron d'Hybride Technologies, la boîte québécoise d'effets spéciaux 3D qui a contribué au succès du film Avatar. Petite histoire d'une découverte qui va faire son chemin.

Pierre Raymond, patron de la boîte Hybride Technologies, en a vu d'autres. L'expertise de la boîte de Piedmont en stéréoscopie est si bien reconnue dans le monde qu'on a fait appel à elle pour tourner les scènes en 3D du fameux film Avatar qui se passent dans le centre de commande.

Pourtant quand il s'est pointé le mois dernier au studio de Saint-Hubert où Dominic Champagne, Jean Lemire et compagnie préparaient leur «odyssée spectaculaire et musicale», Pierre Raymond a vu quelque chose de totalement novateur: un effet de 3D créé pour un spectacle de scène.

Raymond a été tellement impressionné qu'il y est retourné deux fois avec des membres de son équipe. Hybride participera donc à ce spectacle unique qui sera créé à la fin janvier et, par la suite, elle va modéliser la découverte de la bande de Paradis perdu pour en faire un outil précieux qui servira à d'autres ambitieux spectacles.

«Le cinéma peut se permettre des effets beaucoup plus spectaculaires que le spectacle de scène qui, lui, se déroule en temps réel, explique Raymond. Il y a eu des tentatives au Québec avec un Michel Lemieux, et les gros spectacles de groupes comme U2 ont énormément d'effets de scène.

«On nous en met plein la gueule, mais ce n'est pas novateur. Ce qu'apporte Paradis perdu, je n'ai jamais vu ça dans aucun spectacle live jusqu'à présent.»

Au cinéma, ajoute Pierre Raymond, le spectateur ne voit plus l'effet 3D s'il ferme un oeil, tandis que dans Paradis perdu, cet effet de relief tient encore la route, vu d'un seul oeil. C'est un peu par hasard que Lemire et Champagne ont obtenu cet effet à leur premier atelier dans une petite salle du Monument-National.

«Nous sommes montés au petit balcon pour voir ce que ça donnait sur scène: l'angle était parfait et on retrouvait dans l'image projetée un effet de 3D», se souvient Lemire. Plus tard, ils ont exploité ce filon en projetant des images sur trois couches d'écrans avec le jeune concepteur vidéo Olivier Goulet avec la conviction qu'ils tenaient quelque chose de nouveau.

Lemire ne connaissait Hybride Technologies que de réputation quand il lui a envoyé un courriel pour inviter ses artisans sur le plateau de Paradis perdu, le mois dernier.

«On savait qu'on avait trouvé quelque chose, mais ce n'est pas une machine qu'on peut faire breveter, dit-il. En invitant les gens d'Hybride, on voulait faire valider notre découverte. Surtout, je trouvais important que la poursuite de cette technologie soit faite par des Québécois et Hybride est une boîte extraordinaire.»

La descente en kayak

Hier matin, au Théâtre Maisonneuve, les gens de Paradis perdu ont vu pour la première fois ce qu'Hybride a mis au point pour eux ces dernières semaines. La bonne nouvelle c'est que malgré ces ajouts, la production n'a souffert d'aucun retard, même qu'ils sont en avance sur leur échéancier, affirme Jean Lemire.

«Les scènes où il y a beaucoup d'interactions entre les comédiens et l'image sont extrêmement complexes, dit Lemire. On a besoin d'un contrôle parfait sur l'image et vaut mieux travailler en 3D, même si cette technologie est beaucoup plus chère, plus lourde.

«On vient de faire des tests avec la descente en kayak, une des scènes les plus fortes du spectacle, et ça fonctionne très bien. Avec la 3D, Hybride peut faire bouger tout l'environnement en fonction des mouvements du kayak alors que nous serions obligés de tout synchroniser ça.»

L'expertise d'Hybride en stéréoscopie dans les films 3D lui servira pour développer dans un deuxième temps un outil qui permettra notamment de simuler avec exactitude l'effet de relief désiré sans avoir besoin de bâtir une scène comme a dû le faire l'équipe de Paradis perdu.

«C'était du boulot pour eux de bâtir tout cet environnement, de donner à la scène une inclinaison de 12 degrés et de projeter des images jusqu'à l'obtention de l'effet désiré, reconnaît Pierre Raymond. Ils sont arrivés à des résultats assez probants. On ne serait pas là qu'ils donneraient leur show pareil et que les gens seraient très impressionnés du résultat. Mais comme on fait partie d'un groupe Ubisoft et qu'on est au coeur de beaucoup d'échanges de procédés entre les gens du jeu et ceux du cinéma, Paradis perdu nous permet de combiner des expériences de show live et l'expertise du cinéma.»

Jean Lemire ajoute: «On a donné à Hybride notre recette - trois écrans, trois degrés de projection - et ils vont en faire un modèle qui va beaucoup faciliter la recherche. Un spectacle ne peut pas se permettre de passer trois ans à développer quelque chose comme nous l'avons fait. Quand des Robert Lepage vont voir ça, c'est sûr qu'ils vont vouloir l'utiliser!»

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Paradis perdu, au Théâtre Maisonneuve, à compter du 26 janvier.