Une histoire se termine, une autre commence. Alors que Coma Unplugged achève ce soir à Vancouver sa première vie sur scène, la nouvelle pièce du dramaturge Pierre-Michel Tremblay s'apprête à prendre l'affiche à La Licorne. Au champ de Mars parle des grandes guerres qui transforment le monde, mais aussi du champ de mines qu'est parfois la vie de tous les jours.

Qu'on parle de guerre ou de mission de maintien de la paix, des soldats partent régulièrement en Afghanistan et reviennent parfois profondément troublé parce ce qu'ils ont vécu au front. Éric (Mathieu Quesnel) est du nombre de ceux qui sont revenus intacts. En apparence, du moins. Sa blessure ne saute pas aux yeux: il est en état de choc post-traumatique.

Sa fêlure, il va l'exposer à Rachel (Josée Deschênes), une psychiatre elle-même à bout de nerfs. Saoulée par tous ces malheurs qu'on lui raconte, elle n'arrive plus à garder la tête froide et s'engage dans la douleur de ses patients. Dans le jargon médical, ils appellent ça souffrir de «fatigue de compassion». Pour se changer les idées, elle décide d'apprendre la clarinette avec Antoine (Justin Laramée) un pacifiste extrémiste.

«Déjà, à petite échelle, la guerre nous touche tous, estime Josée Deschênes, évoquant son influence sur la mode, l'industrie du divertissement et les jeux des enfants. Après, à plus grande échelle, ce qui m'a touchée, c'est que Pierre-Michel (Tremblay) veuille parler du choc post-traumatique. Quand les soldats reviennent de la guerre avec un pied en moins, c'est évident, ils sont pris en main, médaillés et soignés. Quand ils reviennent avec tous leurs morceaux, mais la tête éclatée en dedans, personne ne le voit.»

La guerre, celle en Afghanistan, c'est la toile de fond d'Au champ de Mars. Un simple coup d'oeil au résumé détaillé de la pièce confirme toutefois que ce n'est pas parce qu'il aborde un sujet grave que le dramaturge (collaborateur des Éternels pigistes) et scripteur pour la télé a mis son féroce sens de l'humour de côté. Au champ de Mars est peut-être une pièce sur la guerre, mais c'est avant tout une comédie dramatique.

Rire de la guerre?

«On est en guerre, mais en même temps, on n'est pas en guerre parce qu'on ne vit pas l'expérience de ce qu'est la guerre, observe le metteur en scène Michel Monty. C'est peut-être ce qui nous permet d'en rire, parce que pour rire de quelque chose, il faut avoir un recul.» Josée Deschênes précise: «Ce n'est pas de la guerre qu'on rit, mais des travers des personnages.»

Qu'il s'agisse de la psy en burn-out, du soldat mentalement déconstruit, du clarinettiste naïf ou de ce réalisateur à succès (Marco, joué par David Savard) qui rêve de raconter l'histoire d'Éric dans un film, «chacun livre sa propre guerre» au quotidien, souligne le metteur en scène. C'est de l'addition et du croisement de ces destins que naissent les situations susceptibles de provoquer le rire.

Quiconque a eu l'occasion d'assister à Coma Unplugged, créée en 2007 et dont la vie de tournée s'achève ce soir, sait que Pierre-Michel Tremblay a l'esprit qu'il faut pour aborder des sujets délicats et même hautement émotifs sous un angle favorable à la rigolade. Et ce n'est pas parce qu'on rit que tout est drôle. «Il y a des espèces de débats qui sont menés dans la pièce», admet d'ailleurs Michel Monty.

«Ce n'est pas ce que j'appellerais une comédie massive. On n'est pas dans la recherche de gags. La comédie vient de la situation dramatique, expose encore le metteur en scène. Il faut que le spectateur soit avec le personnage, de coeur. Il faut que le spectateur ait un ancrage émotif fort, sinon c'est juste de la comédie pour de la comédie.»

Au champ de Mars, du 26 janvier au 6 mars à La Licorne.