Un personnage qui blague en anglais et annonce les numéros de contorsion à venir, des clowns qui disent de gros mots, d'autres qui se dénudent totalement, des chorégraphies pensées pour une douzaine de danseurs... Le Cirque du Soleil n'est plus lui-même quand il loge dans un théâtre non loin de Broadway!

Pour son premier spectacle dans un théâtre (le Beacon Theatre), l'entreprise a décidé de se réinventer et de sortir de sa zone de confort en proposant un cabaret vaudeville. Un spectacle qui laisse autant la place au burlesque qu'à la danse et aux acrobaties. Un spectacle qu'il a aussi fallu polir et repolir.

L'aventure, de plus de 20 millions de dollars, a effectivement été difficile. Le Cirque a dévoilé son Banana Shpeel en grande première à environ 70 critiques américains, hier soir, après des mois passés à corriger, à réécrire, à remodeler un produit mal reçu à la fin de l'année 2009 à Chicago, lors d'une présentation promotionnelle. Certains journalistes avaient alors parlé d'un échec et avaient notamment critiqué le caractère agressif de certains personnages. La métamorphose, jugée alors essentielle, a forcé l'organisation à repousser trois fois plutôt qu'une le début des représentations new-yorkaises.

Il y a eu d'abord la surprise, on imagine. Car Banana Shpeel, conçu et mis en scène par David Shiner (Kooza), c'est d'abord le spectacle-cabaret du personnage-producteur Marty Schmelky (Danny Rutigliano), qui tient à présenter au public des artistes internationaux talentueux. Celui-ci doit toutefois composer avec des clowns et d'autres hurluberlus qui s'imposent tour à tour sur sa scène, avec son consentement ou pas. Ça donne ainsi plusieurs bons gags, physiques et verbaux, auxquels on ne s'attend pas - le Cirque a notamment eu recours à des scripteurs de l'émission Saturday Night Live -, à des numéros de danse étourdissants et à des tableaux magnifiquement éclairés.

On s'en permet beaucoup dans ce spectacle: sautes d'humeur, révision des codes du cirque, humour au second degré... On parle et blague beaucoup. Parfois trop, même! Il arrive que l'effet sur le spectateur d'un étonnant numéro d'équilibrisme soit vite annulé par le retour sur scène sans crier gare du personnage principal.

Si bien que les numéros d'acrobatie, qui sont habituellement la force des spectacles du Cirque, font l'effet de performances qui appuient les singeries du personnage principal et sa cour. Alors que le contraire est la norme.

Nouveau moule

Avec Banana Shpeel, le Cirque du Soleil propose des numéros dans un nouveau moule. Dans l'ensemble, la magie et le multicolore du cirque y sont, mais pas toujours la signature particulière de l'entreprise. Car, cette fois, le Cirque se moule davantage à Broadway qu'il n'impose son caractère distinctif et son inventivité. Il manque quelques numéros surprenants pour être réellement chaviré et un véritable fil conducteur artistique autre que les états d'âme de Schmelky.

Mais on rit aussi plus que d'habitude et parfois même à gorge déployée en regardant Banana Shpeel. Grâce à certains clowns frustrés. Finalement, ces derniers se plaisent autant dans un théâtre que sous un chapiteau!