Le guitariste virtuose Juan Carmona est français, né de parents espagnols. Laquelle de ces nationalités l'emporte? «Je suis gitan. Que je sois espagnol ou français n'a pas vraiment d'importance. Un gitan est un gitan.»

On le joint chez lui, à Aubagne, situé à 15 kilomètres de Marseille. Des quatre artistes de la série El duende flamenco, Juan Carmona est le seul à qui on peut s'adresser sans l'aide d'une interprète.

 

«Mes parents ont quitté l'Andalousie à l'époque de la dictature franquiste. Je suis né à Lyon, puis nous nous sommes déplacés vers le sud de la France. J'ai grandi en France, mais j'ai séjourné pendant une décennie en Espagne, afin d'y redécouvrir mes racines et de bien comprendre la culture flamenca. J'y étais venu pour l'Exposition universelle de Séville, au début des années 90. J'y retourne régulièrement, mais je dois admettre que la France fait aussi partie de ma culture.»

En France, fait observer Juan Carmona, on a la chance d'avoir beaucoup de festivals de jazz et de musiques du monde alors qu'en Andalousie, il n'y en avait pas tant que ça - du temps que j'y habitais. Tous ces festivals ont eu une influence énorme sur ma musique. Ainsi, j'ai pu jouer avec Larry Corryell, Jan Garbarek, Biréli Lagrene ou feu Babik Reinhardt dont le jazz manouche est très différent du flamenco gitan.

«Cela dit, je ne me considère pas du tout comme un musicien de jazz ou de world jazz. Je n'ai pas cette culture, même si je suis ouvert aux autres musiques - cela peut être le jazz, la musique classique européenne ou les grandes musiques orientales comme l'indienne, l'iranienne ou la marocaine.»

Juan Carmona préfère s'appliquer à moderniser le langage du flamenco. «Jusqu'à une période encore récente, rappelle-t-il, la grande richesse du flamenco se trouvait davantage dans le rythme que dans l'harmonie. Le flamenco ancestral se limite à quatre accords de base: la mineur, sol, fa, mi. Le nouveau langage, lui, consiste à explorer un univers harmonique beaucoup plus vaste. Encore faut-il rappeler que la pratique de l'improvisation mélodique et harmonique existe depuis peu dans le flamenco.»

Ainsi, deux guitaristes, un bassiste, un flûtiste, un percussionniste, un chanteur et un danseur constituent l'ensemble de Juan Carmona. Malgré cette intention de modernité, un lien étroit avec la tradition flamenca demeure fondamental. «Vous savez, on ne peut pas courir si on ne sait pas marcher.»

Connaître profondément le flamenco, donc, une expression dont la transmission orale reste proéminente. «Moi-même, confie le guitariste, je ne suis pas ferré en théorie musicale. J'ai des notions de base. Je connais un peu les tablatures de guitare, mais je suis incapable de lire rapidement une partition. Je le regrette d'ailleurs.»

Et pourtant... Dans l'univers flamenco, ce guitariste révèle une technique d'enfer, preuve que la tradition orale peut encore produire de grands musiciens.

Juan Carmona et son ensemble se produiront les 2 et 3 juillet, à 20h, au Théâtre du Nouveau Monde.