Serge Postigo cherchait un musicien et réalisateur à qui confier le mandat «extrêmement complexe» de mettre les chansons de Jean-Pierre Ferland dans un contexte dramatique. Le metteur en scène et principal acteur de la comédie musicale Le petit Roy a trouvé l'oiseau rare: Michel Cusson.

Serge Postigo et Michel Cusson causent dans le studio d'enregistrement du musicien, compositeur, réalisateur et homme à tout faire. Tard la veille, c'est dans cette même pièce de sa résidence de Longueuil qu'ils ont eu des frissons en écoutant Ginette Reno chanter sur le mont Royal, dans les années 70, Un peu plus haut, un peu plus loin de Jean-Pierre Ferland. Un moment sociologique, estime Postigo qui, depuis quelques mois déjà, passe du studio de Cusson à des répétitions de chant avec la distribution de la comédie musicale Le petit Roy qui sera jouée dès le 5 juillet au Théâtre St-Denis. Ferland n'en sera pas, Ginette Reno non plus, mais les deux hommes et leur équipe sont à créer un spectacle ambitieux avec une matière première qui vaut de l'or: les chansons de l'auteur de Jaune et Écoute pas ça.

Ambitieux parce que, comme le dit Postigo, Cusson doit marcher sur un fil de fer. «Tout le monde s'attend à ce que ça soit nostalgique ou à ce que, au contraire, la volonté de relecture, de renouveau soient tellement forts que ça sera complètement dénaturé, explique le metteur en scène. Ce que je trouve intéressant, c'est que Michel cherche le hook dans ces chansons-là. Ça peut être, par exemple, les espèces de violons derrière dans Le chat du café des artistes, il y a des hooks comme ça auxquels il ne faut pas toucher. Le succès d'une chanson qui traverse les époques, ce n'est pas que les paroles et la musique, c'est aussi l'orchestration.»

Complexe surtout parce que ce théâtre musical racontant l'histoire de Jean-Philippe Roy, qui a purgé une peine de 20 ans pour un crime passionnel, ne se contentera pas de rendre de la façon la plus élégante possible les succès de Ferland. En s'inspirant de ses chansons, Benoit L'Herbier et Robert Marien en ont tiré un livret de 120 pages dont une bonne demi-heure de récitatif, et Marien a déconstruit une quarantaine de chansons connues pour accoucher d'une structure musicale qui allait servir l'histoire.

«Un travail colossal», estime Cusson qui a hérité du mandat de transposer le tout harmonieusement en musique. Postigo explique: «Il n'y a pas une chanson du spectacle qui est dans sa structure d'origine: on prend une chanson à l'intérieur de laquelle on en met une autre, on coupe, on ajoute un bout de texte. Pendant que quelqu'un chante, un autre parle, ou vient chanter en canon. Si jamais on sortait un disque de ce spectacle-là, ça ne pourrait être que le spectacle parce qu'autrement, les gens n'y comprendraient rien: pourquoi y a-t-il telle phrase dans telle chanson? Sinon il faudrait refaire les chansons comme à l'origine, mais je me dis: si vous voulez entendre du Ferland, pourquoi écouter Serge? Achetez Ferland.»

Le public risque-t-il d'être dérouté? «Non, on ne refait pas T'es belle à la guitare hawaïenne, répond Postigo. Mais dans T'es belle, elle (Geneviève Jodoin qui incarne Simone) et moi pouvons chanter un bout de Une chance qu'on s'a...»

Ces dernières années, Michel Cusson s'est surtout consacré à deux spectacles de cirque en Chine et au trio qu'il formait avec Térez Montcalm et Luck Mervil. N'empêche, il y a deux ans, il a écrit une chanson avec Jean-Pierre Ferland pour Johanne Blouin (Lui) et il a eu vent qu'on préparait Le petit Roy et qu'on pensait à lui pour mener à bien cette aventure musicale. L'ex-guitariste du groupe de jazz fusion UZEB n'a pas toujours été friand de comédie musicale, mais il s'y est intéressé récemment et dit maintenant qu'il en écrira peut-être une de A à Z un de ces jours, même si c'est beaucoup de travail.

«Ce que j'aime dans ce spectacle, entre autres, dit-il, c'est qu'on suit l'histoire et voilà qu'arrive une chanson dont on découvre qu'on la connaît, mais qui vient nous toucher parce que son texte est utilisé dans un tout nouveau contexte. Ça devrait être plus émouvant que les comédies musicales dont on ne connaît généralement pas les chansons à l'exception d'un ou deux succès. Ferland, c'est un hit après l'autre, même si on ne veut pas faire uniquement une succession de hits. Je ne pense pas écrire quelque chose de nouveau, je vais plutôt réaliser et orchestrer le truc. Musicalement, il y a plein de belles choses là-dedans, mais aussi plein d'autres choses à couper. C'est ce que je fais à longueur de journée: prendre des problèmes, tenir compte des paramètres et mettre tout ça dans un petit casse-tête. Mais là, c'est un méchant gros casse-tête!»

Pas sur scène

Cusson ne sera pas parmi les cinq musiciens qui vont jouer sur scène. Il préfère se consacrer au travail de préparation et, une fois arrivé au Saint-Denis, avoir le recul nécessaire en faisant les ajustements nécessaires depuis la salle. Mais il connaît bien les musiciens en question puisqu'il a travaillé avec eux pour les vignettes musicales rétro présentées en conclusion de chacun des épisodes de la télésérie Les rescapés. Même que c'est avec ces cinq jeunes musiciens que Cusson compte réaliser son prochain projet musical bien à lui d'ici deux ans.

«Je vais disparaître là-dedans, je vais me faire invisible, dit encore Cusson du Petit Roy. Ferland a écrit des petites perles dont on va se servir. Robert (Marien) a fait une bonne partie du travail. Moi, je bonifie, j'épure, mon travail c'est de proposer une autre vision qui soit encore plus porteuse d'émotion.»

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Le petit Roy au Théâtre Saint-Denis à compter du 5 juillet.