Présenté à Montréal, Québec, Sherbrooke, Saguenay, etc., le spectacle Les filles de Caleb sera à la fois théâtral (avec narration) et musical (avec chansons, interprétées par six musiciens sur scène, dont Rick Haworth, Claude Fradette, Mario Légaré...).

C'est la cinéaste, scénariste et comédienne Micheline Lanctôt qui signe le livret: «J'ai une formation musicale (elle a étudié le piano et le violoncelle à Vincent-d'Indy), et comme je trouvais qu'il y avait beaucoup de lyrisme dans l'oeuvre d'Arlette (Cousture), j'ai proposé qu'on en tire un opéra parce que c'est bel et bien un drame: une comédie, même musicale, aurait été un anachronisme. J'ai donc écrit un vrai livret inspiré des trois livres d'Arlette, à partir duquel Michel Rivard a écrit des chansons d'inspiration folk. Je trouve remarquable le travail de Michel, qui a créé un répertoire très roots, et qui est resté très conséquent, très rigoureux, tout du long, sans jamais se lancer dans des airs à la Broadway parce que ce n'est pas cela dont Les filles de Caleb a besoin. Pour écrire le livret, j'ai imaginé trois «zones», trois espaces qui se retrouveront plus ou moins sur scène: une zone du souvenir, où les personnages se rappellent leur vie; une zone de l'action présente, où ils font quelque chose; et une zone de l'absence, qui représente les personnages partis, les absents. Cela m'a permis une certaine forme d'abstraction, de faire des ellipses: on est au théâtre, on n'a pas besoin de faire dans le réalisme.»

L'auteure Arlette Cousture, qui a donné son accord au projet, a reçu à mesure les chansons composées par Michel Rivard: «Pendant les répétitions, j'ai vu des choses qui m'ont fait pleurer à chaudes larmes: quand Daniel (Boucher) en Ovila chante la mort de sa fille Louisa ou quand Daniel et Luce (Dufault, qui joue Émilie Bordeleau) chantent la fin de leur couple... C'était à la fois tellement triste et tellement beau. Ça m'a fait plaisir de constater que ce sont mes livres l'inspiration du livret, qu'il y a plein de phrases dans le spectacle qui sont bel et bien tirées de mes romans», relate celle qui travaille actuellement à un roman consacré au travail des enfants au Québec, au XXe siècle.

«Pour écrire Les filles de Caleb, je me suis inspirée de l'histoire du pays, de la petite histoire d'un village, de celle des enfants de Caleb et des enfants d'Émilie et Ovila... mais j'ai dû inventer des choses. J'ai dû créer un calendrier de la vie de ma grand-mère Émilie parce que ses enfants, qui ont été placés dans des orphelinats et des couvents parce qu'elle ne pouvait pas subvenir à leurs besoins et qu'elle voulait qu'ils reçoivent une éducation, n'avaient pas toujours de souvenirs très précis des événements. C'était une famille éclatée, avant que l'expression n'existe. Par exemple, la mort de Louisa (la vraie Louisa, troisième fille d'Émilie, est née le 7 octobre 1905 et morte le 29 mars 1906): pas un des enfants n'était capable de se rappeler les causes de sa mort, elle avait disparu avant leur naissance, alors j'ai imaginé qu'il s'agissait de la mort subite du nourrisson... En fait, je ne sais même pas si c'est vrai qu'Émilie a été l'institutrice de mon grand-père Ovila!»

Le metteur en scène Yvon Bilodeau a respecté les livres et le livret, en demandant toutefois qu'on insiste sur tel ou tel aspect: «C'est le cas du personnage de Douville, l'inspecteur scolaire qui est fou d'Émilie. C'était un personnage un peu ridicule dans le livre ou la télésérie. Je voulais qu'il soit plus important dans le spectacle, pas du tout ridicule, qu'on comprenne bien qu'Émilie a un vrai choix à faire entre deux hommes: Ovila, qui représente le désir et le mariage d'amour, et Douville, qui serait plus un mariage de raison, mais qui lui conviendrait sans doute mieux comme homme. Mais cela étant dit, Les filles de Caleb n'est pas un documentaire sur l'époque! On ne fait pas de l'histoire, on raconte une histoire.»