Les premières critiques parues à la suite de la première de Die Walküre au Metropolitan Opera, vendredi, expriment des réserves quant à l'imposante machine de scène de Robert Lepage et du scénographe Carl Fillion qui doit se métamorphoser sous les yeux des spectateurs tout au long des quatre opéras du Ring de Richard Wagner.

Dans sa critique intitulée «Die Walküre, toujours obsédée par son gros jouet coûteux», le New York Times estime que ce deuxième chapitre du Ring illustre bien ce qu'il y a de captivant mais aussi d'exaspérant dans la manière Lepage. Le critique Anthony Tommasini apprécie le décor hivernal du début qui se transforme progressivement en une forêt où Siegmund est pourchassé par les hommes de Hunding, munis de lanternes. Mais il déplore qu'au début du deuxième acte, Wotan et Brünnhilde soient en déséquilibre sur les planches qui simulent un terrain rocailleux sur lequel la soprano Deborah Voigt a perdu pied.

Heureusement, ajoute-t-il, Lepage et sa distribution avaient décidé de jouer la carte de l'humour dans cette scène. Il note également les bruits provoqués par les déplacements des chanteurs sur les pales et affirme qu'aucune imagerie ne justifie le craquement de la mécanique et les expressions de nervosité sur les visages des chanteurs.

Les effets scéniques de cette production sont tantôt extraordinaires, tantôt maladroits et envahissants, estime Tommasini. Il reproche à Lepage sa décision, à la toute fin du spectacle, d'accrocher Brünnhilde à la structure scénique la tête en bas, ce qui l'a contraint à utiliser une doublure plutôt que la chanteuse Deborah Voigt: «Mais M. Lepage n'a pu s'empêcher d'étaler son jouet de 45 tonnes, même si cela signifiait qu'il devait renvoyer dans les coulisses Brünnhilde au moment le plus transcendant pour elle.»

«Du ridicule au sublime»

Mike Silverman, de l'agence Associated Press, félicite le metteur en scène québécois pour les correctifs qu'il a apportés à la suite de Das Rheingold, prologue du Ring créé en septembre dernier. Dans Das Rheingold, écrit-il, l'énormité de la structure de 24 planches amovibles contraignait les chanteurs à rester plantés à l'avant de la scène tandis que, cette fois, ils sont plus libres de leurs mouvements et ne s'en expriment que mieux. Il estime que la machine crée encore des effets éblouissants mais qui sont mieux intégrés à l'action.

OIivia Giovetti, de WQXR 105,9, radio classique de New York, trouve pour sa part que Die Walküre n'exploite pas encore le plein potentiel de la scénographie de Fillion. Les effets obtenus vont du ridicule (l'oeil géant sur lequel sont projetées des «images bizarres» pendant que Wotan récapitule l'histoire de Das Rheingold à Brünnhilde au deuxième acte) au sublime (les ombres discrètes qui illustrent le récit de Siegmund au premier acte et qui, estime-t-elle, rappellent le Rossignol de Stravinski monté par Lepage et présenté récemment à Brooklyn).

S'il y a une lacune dans Die Walküre, affirme Mme Giovetti, ce n'est pas tant sur le plan de la technologie que dans le manque d'humanité et de chaleur des personnages. Il est toutefois difficile de juger un Ring à mi-parcours, conclut-elle, ajoutant que le spectacle de Lepage n'est pas un succès, mais qu'il possède un dynamisme considérable.

Enfin, Gert Korentschnigle, du Kurier de Vienne, trouve que le «monstre» de Lepage a surtout un rôle décoratif et croit lui aussi qu'on ne fait qu'en entrevoir le potentiel. Il ajoute: «C'est comme un iPad dont on ne se servirait pas pour surfer sur le web, mais avec lequel on se contenterait de jouer au tennis de table.»