De nouvelles critiques de l'opéra Die Walküre de Richard Wagner, dont la première a eu lieu vendredi au Metropolitan Opera, continuent d'alimenter le débat sur la machine de scène conçue par Robert Lepage et le scénographe Carl Fillion.

Robert Hofler, du magazine Variety, affirme que la scénographie de Lepage tient toujours l'ambitieuse promesse de Das Rheingold, le prologue de la Tétralogie de Wagner présenté en septembre 2010.

Comme le Huffington Post, Variety estime que Die Walküre a failli être le Spider-Man de l'opéra, une référence aux problèmes de la comédie musicale de Broadway. Lors de la première, vendredi, la soprano Deborah Voigt a chuté sur la structure accidentée du décor et sa collègue Eva-Maria Westbroek, indisposée, a dû déclarer forfait après le premier acte, mais Lepage a livré la marchandise comme un showman, estime Variety. Pour une fois, le public du Met est tout excusé d'avoir applaudi le décor lors de la chevauchée des Walkyries, dans laquelle les guerrières montent les énormes planches amovibles qui constituent le décor. Variety a également de bons mots pour le maestro James Levine et pour les chanteurs.

Le New York Post laisse entendre dans son titre qu'à l'instar de ses personnages, Die Walküre est frappé d'une malédiction. Outre les pépins déjà évoqués dans Variety, James Jorden trouve que la direction du chef d'orchestre, James Levine, était déficiente et ne manquera pas de relancer les spéculations sur son état de santé. Levine, 67 ans, a été opéré au dos l'an dernier.

Le critique du Post louange les projections vidéo en notant des bruits métalliques occasionnels et l'apparition de machinistes, mais il estime que Robert Lepage veut tellement en mettre plein la vue qu'il néglige les dimensions intellectuelle et morale complexes de l'oeuvre de Wagner. Les deux derniers chapitres du Ring, la saison prochaine, vont débarrasser le spectacle de cette guigne qui tient à «la mise en scène superficielle et clinquante de Lepage», espère-t-il.

Un Ring «décevant»

Le Washington Post reproche surtout à Lepage d'avoir consacré ses énergies à la scénographie et d'avoir laissé aux chanteurs trop de liberté alors que ceux qui défendent un personnage pour la première fois auraient eu besoin d'être mieux dirigés. «Pourquoi ce Ring est-il si décevant?» demande Anne Midgette. Parce que Lepage a accouché d'un décor monolithique et limitatif dont l'aspect visuel est inintéressant et qui n'est pas favorable aux chanteurs, estime-t-elle. Un spectacle plein de bonnes intentions, mais ultimement superficiel, conclut-elle.

Lee Rosenbaum du Huffington Post s'inquiète surtout pour la santé du maestro James Levine. Elle a une opinion mitigée du décor, qui lui semble par moments ingénieux et polyvalent (la chevauchée des Walkyries) et parfois lourd et gênant, volant même la vedette à la musique.

Enfin, Manuela Hoelterhoff, de l'agence Bloomberg, se demande où est la magie à laquelle on s'attendait de la part de Lepage avec ses millions. La grisaille du décor lui rappelle les bunkers de Berlin ou de Dresde pendant la guerre. Au moins, écrit-elle, les Walkyries ont provoqué des rires pendant leur chevauchée. Elle estime surtout que Lepage, habitué au théâtre et au cirque, ne sait trop que faire de tous ces chanteurs. Aussi bien monter une version concert de l'oeuvre puisqu'il n'y a pas assez d'espace pour que les chanteurs interagissent sans risque de chuter, conclut-elle.