Le contexte mondial actuel nous prouve encore combien nous sommes tous tributaires les uns des autres. On appelle ça l'effet domino. Le danseur Marc Boivin, interprète montréalais majeur, ose ainsi chorégraphier son premier solo, dans lequel il interroge les impacts qui ont déterminé son parcours long de 25 ans.

Marc Boivin est une référence comme interprète inclassable et essentiel de la scène montréalaise, mais aussi internationale. Aussi sensible et subtil que sculptural et puissant, il a débuté à la Place Royale en 1982, a été des débuts d'O Vertigo dès 1985, a tourné partout en Amérique du Nord et en Europe, puis, devenu danseur indépendant en 1991, a dansé entre autres pour James Kudelka, Jean-Pierre Perreault, Louise Bédard, Catherine Tardif autant que pour Tedd Robinson ou Andrew de L. Harwood. Il a chorégraphié pour d'autres, tourné dans des films et enseigne à LADDMI et dans les universités partout au Canada depuis 1987. Un long et riche parcours récompensé en 1999 par le prix Jacqueline-Lemieux.

Aujourd'hui, il en retient les impacts: «Arrivé à la quarantaine, je voulais toucher à une certaine synthèse, surtout dans ce métier où le vieillissement est accru. Autant ça a été agréable d'interpréter pour les autres, sans me poser de questions, autant maintenant j'avais besoin de témoigner de la façon dont j'ai vécu tous ces impacts majeurs et de ma façon d'être au monde.» De là est né Impact, le premier solo qu'il a chorégraphié pour lui-même. Créé à Toronto en 2008, il le présente à présent à Montréal, à Tangente.

Il insiste sur son besoin d'exprimer sa sensibilité par rapport à ce qu'il a reçu de tel ou tel chorégraphe, telle ou telle expérience. Tous nous recevons l'impact de l'autre et le transformons en nous associant et en existant, et ainsi nous allons plus loin: «J'ai entendu une phrase à la radio il y a longtemps et je ne l'ai jamais oubliée. Ça disait que la chose la plus importante chez les enfants, c'est de préserver leur sensibilité. Je crois ça en effet. Nos parcours ne sont pas déterminés par les faits et actes visibles que nous accomplissons, mais par les anguilles sous roche, les retentissements profonds et secrets qui ont lieu en profondeur et qui attendent le moment de se manifester.»

Il exprime tout cela dans son solo, lui-même issu de l'effet produit par l'expérience essentielle de la pièce R.A.F.T. 70 qu'il a cochorégraphiée et interprétée avec Andrew de L. Harwood. Même s'il s'agissait d'improvisation, cela lui a donné confiance pour poursuivre dans sa propre voie. Il a donc décidé de conserver les trois collaborateurs qui faisaient partie de cette pièce, recherchant la nourriture que chacun d'eux, dans son propre domaine d'expression, allait apporter à son solo. Ces trois artistes sont Diane Labrosse pour la musique, Yan Lee Chan pour les éclairages et Jonathan Insketter pour l'environnement visuel et le codéveloppement conceptuel, auxquels s'ajoute la répétitrice Sophie Corriveau. «Ils ont tous participé au développement conceptuel, dit-il, chacun d'eux a apporté de la matière pour mon solo à partir de phases de mouvements que je leur ai soumis sur DVD.»

Avec Jonathan Insketter, dont il regrette que son travail ne soit pas reconnu à sa juste dimension, il a été plus loin, créant un prologue au solo I 132, une vidéo qui est une sorte de making-off d'Impact et qui sera présentée devant l'entrée de la salle de spectacle. Boivin y montre le processus qui a fini par produire la pièce. Y compris l'impact originel, celui de ses parents qui sont venus travailler avec lui en studio et qu'on voit dans la vidéo. «C'est un moment important pour moi, conclut-il, et je verrai bien l'impact qu'aura cette pièce sur la suite de mon parcours.» À suivre.

_________________________________________________________________________________

Impact, précédé de I 132, de Marc Boivin, du 7 au 10 mai à Tangente. Infos: 514-525-1500.