Ginette Laurin présente sa nouvelle création, Onde de Choc, dans le cadre du FTA. Un foisonnement d'idées et d'images qui dénote une intense curiosité que 30 ans de carrière n'a pas estompée. On se laisse volontiers emporter par cette onde de choc où la douceur côtoie les forces vives.

Lorsque Ginette Laurin a annoncé qu'elle sonorisait les corps des danseurs d'O Vertigo pour ce nouvel opus, on s'est inquiétée d'y voir ce procédé vu et revu. Mais c'était oublier que Laurin a toujours su, ou presque, distiller l'essence de ses explorations techniques pour les adapter, en dosage subtil, à son univers. Car nous sommes bel et bien encore ici quelque part entre ciel et terre, dans cet univers ouaté et translucide auquel nous a habitué la chorégraphe.

À Onde de choc, donc, Ginette Laurin a intégré une plateforme sonorisée sur laquelle évoluent parfois les danseurs. Or, cette plateforme se trouve en arrière plan; ce qui s'y passe ne sert souvent qu'à faire habilement contrepoint, par accent ou effet de contraste, aux échanges unplugged, de chair et de sang, qui déferlent à l'avant scène. Les danseurs, et le compositeur Martin Messier, tirent de cette plateforme d'ailleurs les sonorités claquantes et raisonnantes auxquelles on s'attend, mais ils ont aussi su en faire une surface qui susurre et murmure de manière inattendue lorsque les corps y glissent longuement et avec volupté.

Par ailleurs, grâce à des stéthoscopes munis de micros, Laurin nous fait entendre les coeurs de Chi Long, de Robert Meilleur ou de James Phillips battre la chamade. Le procédé n'est en fait utilisé que quelque fois pour ramener illico l'attention du spectateur au plus près du corps, suite à des passages particulièrement extrovertis et gymniques, amenés par l'urgence des compositions de Michael Nyman. Grâce aux pulsations, le spectateur n'a d'autre choix que de replonger dans l'univers d'intimité et de communication silencieuse si caractéristique d'O Vertigo.

Onde de choc alterne ainsi constamment entre la tempête et l'accalmie. Mais c'est partout que Laurin use de contrastes d'énergie, d'ombres et de lumière, de douceur et de violence en poches d'action simultanées. Parfois, de phrasés d'une légèreté sans nom laissent place à des instants qui ne sont que telluriques, où les corps délaissent un instant l'appel du ciel pour puiser leurs forces vives à même le sol. À cet effet, soulignons les solos sinueux et mains à terre de Chi Long ou ce passage où Robert Meilleur, médusé, se laisse emporter dans une routine de claquettes par ce qui monte à travers ses pieds.

Enfin, si l'on déplore, ça et là, quelques images faciles autour de la thématique du coeur, reste qu'Onde de choc témoigne d'une belle inventivité, nourrie sans doute par une utilisation plus intensive que d'habitude de l'improvisation au cours du processus de création. Cela dit, si cette dernière création est truffée de nouveautés, on se prend à y repérer, plus qu'à l'habitude et au delà des leitmotivs de la chorégraphe, une foule de réminiscences qui renvoient à plusieurs des pièces précédentes de la compagnie. Des sauts ou même des sonorités rappellent La Vie qui bat, des expressions du visage renvoient à La Bête ou des frémissements à Passare... Parfois les rappels sont moins précises, mais ils sont là qui chatouillent la mémoire du spectateur, offrant une subtile synthèse de ce qui fut.



Onde de choc d'O Vertigo
. Cet après-midi, 16h, à l'Usine C.