La chorégraphe montréalaise Hélène Blackburn maîtrise depuis longtemps les chorégraphies audacieuses destinées aux adolescents. Dans le cadre des Coups de théâtre, elle présente sa nouvelle pièce, Variations S, en hommage au centenaire des Ballets russes sur la musique revisitée du Sacre du printemps de Stravinsky.

«C'est un défi, annonce d'emblée Hélène Blackburn. Cinquante minutes de danse pure pour des adolescents et préadolescents à partir de 10 ans, il fallait oser, mais je me sentais prête pour ça.»

Et ça fonctionne, prouvant encore que l'intérêt de tout public, même inhabituel, réside plus dans la manière dont on lui présente une oeuvre que dans le seul sujet de celle-ci: «Au fil des années, poursuit-elle, j'ai appris à connaître le public des 12-14 ans et plus. Quand on leur demande ce qu'ils ont aimé, ils citent habituellement la musique, la théâtralité, les costumes... Jamais ils ne parlent de la danse. Alors, cette fois, j'ai décidé de ne faire aucune concession, pas d'enrobage, par de texte, pas de décors ni de costumes. De la danse, point, et pour un public encore plus jeune.»

Avec 17 créations depuis la fondation de sa compagnie en 1989, Hélène Blackburn sait faire la différence. Sa compagnie tourne régulièrement au Québec, au Canada, aux États-Unis comme en Europe et, en 2001, elle s'oriente délibérément vers le jeune public avec Nous n'irons plus au bois, suivi de Barbe-Bleue (2004), Journal intime (2006) et Le cabaret dansé des vilains petits canards (2009), pour les 4 ans et plus.

Éclectisme donc, toujours, et exigence. Avec Variations S, elle prend un nouveau risque en visant les préados avec une pièce non narrative: «Je voulais rendre hommage aux Ballets russes de Diaghilev qui, en six ans, à partir de 1909, ont révolutionné la danse mondiale. Les chorégraphies de Nijinsky ont fait scandale, surtout Le sacre du printemps et Prélude à l'après-midi d'un faune. La première du Sacre à Paris en 1913 au Théâtre des Champs-Élysées reste LE plus grand scandale de l'histoire de la danse, à cause de la musique pulsionnelle, mais aussi du propos à connotation sexuelle. Les Ballets russes ont marqué un tournant dans la danse et aujourd'hui, un siècle plus tard, je crois que nous vivons une autre période charnière.»

La fameuse première du Sacre du printemps a d'ailleurs été scrupuleusement reconstituée dans le film de Jan Kounen, Coco Chanel & Igor Stravinsky, récemment sorti en DVD. Avec Variations S, Hélène Blackburn a pour sa part plus voulu rendre hommage à l'esprit flyé et novateur de Diaghilev, Stravinsky et Nijinsky, que reconstituer la pièce comme telle. Ce faisant, elle donne sa vision du Sacre comme tant d'autres chorégraphes l'ont fait avant elle depuis un siècle, de Maurice Béjart à Pina Bausch, d'Angelin Preljocaj à Marie Chouinard.

On s'attendrait donc à retrouver dans Variations S la fameuse musique de Stravinky, mais non: «La musique a été complètement réinterprétée par Martin Tétrault, dit la chorégraphe. Il s'est inspiré de la trame musicale pour la détourner. Martin, c'est Martin, il a tout chamboulé, mais c'est génial, j'adore ça!» Du coup la musique est beaucoup plus proche du public des préados et ados auxquels la pièce est destinée.

Idem pour la vidéo signée Dorian Uskin-Oder, jeune vidéaste très remarquée ces dernières années, dont les projections, sur des thèmes printaniers eux aussi complètement revisités, sont utilisées comme seule source d'éclairage: «L'effet est saisissant, dit la chorégraphe. On me dit sans cesse que le résultat est très beau.» Et de conclure: «C'est de la danse qui parle de la danse. De la danse, de la musique et de la lumière, l'essentiel, en somme.»

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Variations S, aujourd'hui (à 10 h et 13 h) et demain (à 13 h et 19 h) à l'Agora de la danse.