Manon Oligny a connu plusieurs embûches avant de mener à terme Icônes, à vendre, le trio que présente la chorégraphe montréalaise jusqu'au 29 janvier à la Société des arts technologiques. Il y a eu le suicide de sa partenaire artistique, l'écrivaine Nelly Arcan, avec qui la chorégraphe avait entamé la création d'Icônes, à vendre. Le trio devait aussi profiter d'une mise en espace non traditionnelle dans la nouvelle salle immersive de la SAT: en raison du retard dans les travaux, les représentations se donnent finalement à l'italienne, sans certaines des projections prévues.

Est-ce pour ces raisons que le questionnement derrière Icônes, à vendre, un projet sur la marchandisation du corps de la femme et inspiré d'une vente aux enchères électronique, semble mal défini et mal exploré? Il y a pourtant trois belles femmes sur scène, icônes I, II et III (interprétées par Anne Le Beau, Karina Iraola et Miriah Brennan), portant chacune une étiquette de prix; elles sont tour à tour lascives, enragées, implorantes, mais leurs visages arborent généralement une expression de vide, propre aux êtres traumatisés ou aux poupées. Icônes, à vendre est aussi subdivisée en 27 sections portant chacune un titre, par exemple La possession, La chasteté ou encore La purification, et chaque section a, entre autres, un prix, inscrit dans un petit catalogue remis au spectateur à l'entrée de la salle et aussi projeté dans les alcôves dorées dans lesquelles prennent de temps en temps place les trois icônes.

On explique aussi dans le catalogue (encore faut-il le lire avant la représentation!) que l'on peut composer son propre spectacle, en formules «tout compris» ou «à la carte». Mais voilà, cette idée de vente aux enchères n'est jamais vraiment «activée» en direct et on se demande à quoi tout ça peut bien rimer. Dommage parce qu'Oligny sait d'habitude si bien asseoir et développer un concept, souvent à l'aide d'une mise en espace étonnante (pensons à L'écurie et ses femmes épiées par les spectateurs à travers les fentes de leurs box à chevaux ou encore à 46''00''05, un huis clos d'une redoutable efficacité présenté dans un vrai court de squash).

Icônes, à vendre se perd dans des lieux communs. Ainsi, le vocabulaire gestuel développé par Oligny manque de portée tant il foisonne de jambes écartées, de cuisses offertes et de seins exposés. Cette simple surenchère, au son d'un constant grondement électronique, et la décision d'offrir tout cela en étalage, de manière passive et neutre, sans construire de réelles courbes dramatiques pour chacune de ces femmes-objets, de calquer à ce point ce qu'on dénonce suffit-il à provoquer un questionnement? Peut-être, si on avait pu mieux exploiter cette idée de catalogue. Mais dans sa forme actuelle, Icônes, à vendre manque tout compte fait de souffle et d'intérêt. Reste quelques images intéressantes: un cordon qui traîne mystérieusement entre les jambes d'une danseuse, du sang menstruel, un jeu de mots, bien exploité physiquement, avec les homonymes «seins» et «saints».

________________________________________________________________________________

Icônes, à vendre, jusqu'au 29 janvier à la Société des arts technologiques.