Les Grands Ballets finissent la saison comme ils l'ont commencée: par la présentation de chorégraphes de la génération actuelle de danse contemporaine en Allemagne. Une soirée complète signée Marco Goecke et Stephen Thoss pour les danseurs de la compagnie. Intimité, intensité et impétuosité au programme.

Attention, secousses telluriques! La réputation de Marco Goecke précède celui qui a été tour à tour surnommé l'«enfant terrible» et l'«enfant chéri» de la jeune chorégraphie allemande. Ça le fait rire au téléphone: «Tant mieux si j'échappe aux classifications, dit-il, mais je m'intéresse d'abord au mouvement sans m'occuper des appellations et des références.»

Des références, l'impétueux chorégraphe n'en manque pourtant pas. Originaire de Wuppertal, la ville de Pina Bausch, formé au ballet classique, il a dansé avec le Deutsche Staatsoper Berlin et le Theater Hagen Ballet. Il a vite été remarqué au début des années 2000 et a aussitôt été invité à créer des pièces pour de grandes compagnies internationales.

Bardé de prix et d'éloges pour son «génie inimitable», présentement chorégraphe résident au Ballet de Stuttgart et au Ballet Scapino de Rotterdam, il présente deux oeuvres créées précédemment, que les Grands Ballets ont acquises pour les interpréter: Pierrot lunaire, mélodrame lyrique pour cinq instruments et une voix d'Arnold Schoenberg, ainsi que le Pas de deux extrait de l'Oiseau de feu de Stravinsky. Deux compositeurs scandaleux et révolutionnaires et deux oeuvres qui ne le furent pas moins et qui influencèrent durablement la musique du XXe siècle. Deux ballets noirs aussi, en résonance avec l'inassouvi de l'être. Il se pourrait bien alors que la réputation de Goecke soit justifiée...

À la recherche du moi intérieur

La renommée de Stephen Thoss n'est pas moins justifiée. Une réputation de créateur subtil, mystérieux, à l'esthétique fascinante, un chorégraphe très prolifique aussi. Formé à la Palucca Schule de Dresde, antre de la danse expressionniste allemande, soliste à l'Opéra comique de Berlin puis au Théâtre de Kassel, chorégraphe invité par de nombreuses autres compagnies depuis 2000. Directeur artistique du Ballet de Wiesbaden depuis 2007, il a signé plus de 70 oeuvres en une dizaine d'années, dont Heim Suchen/Searching for Home sur une musique de Philip Glass.

«La musique est toujours la source de mon inspiration, dit-il. J'aime beaucoup Glass, dont la musique m'a déjà inspiré plusieurs pièces. J'aime le tapis rythmique de son minimalisme et la réalité cachée derrière la musique, une sorte de vide visible, une présence de l'irréel qui nous fait plonger dans l'inconscient.» C'est ainsi qu'il revendique, lui aussi, un style inclassable, se disant désireux de «rester sans style particulier, car le mouvement venant de la musique peut être complètement différent chaque fois».

Le rapport entre conscient et inconscient est au coeur de sa pièce dansée par les GBCM. Notre moi intérieur, qui évolue avec les années, constitue notre seul «chez-soi» dans une confrontation incessante entre passé, présent et avenir: «Nous sommes tous pris entre ce que nous sommes et ce que nous rêvons de devenir», dit-il.

Sa chorégraphie met en scène un rêve dans lequel une jeune femme se projette et se cherche. Thoss a fignolé une oeuvre subtile et allégorique où les 12 danseurs évoluent dans un appartement symbolique dont chaque pièce offre une cloison-miroir à la danseuse prise comme dans un kaléidoscope de son intériorité: «On doit tous accepter nos côtés positifs et négatifs et apprendre à évoluer avec eux», conclut-il. Une analyse qui s'applique autant sur le plan individuel que collectif.

Pierrot lunaire et L'oiseau de feu de Marco Goecke, et Heim Suchen/Searching for Home de Stephen Thoss, par les GBCM, du 12 au 21 mai, 20h, au Théâtre Maisonneuve.