Précédée d'un bouche à oreille favorable, la pièce Un peu de tendresse, bordel de merde! a provoqué rires et indignation à sa première londonienne. Dave St-Pierre n'en est pas moins à l'aube d'une belle percée en Europe, où il travaillera sur sa prochaine oeuvre en août.

L'univers enflammé de Dave St-Pierre est entré en collision frontale avec le puritanisme des Anglais jeudi dernier.

Les danseurs québécois d'Un peu de tendresse bordel de merde!, à l'affiche pour trois soirs à Londres, ont été accueillis par des «Fuck you» dès leur entrée en scène.

Le public de Sadler's Wells, repaire des amateurs de danse, était pourtant averti: il y aurait de la nudité. Manifestement, il n'était pas préparé à la voir d'aussi près.

Car une douzaine de mâles nus, attifés de perruques blondes, se lancent dans le parterre au premier acte de la pièce, créée en 2006. Les kamikazes posent leurs fesses poilues sur les genoux de spectateurs médusés et gigotent leurs appendices génitaux comme des gamins.

L'un d'eux a enduit de salive les lunettes d'un homme jeudi dernier. Il s'agissait du critique du Guardian. «C'est l'expérience la plus désagréable que j'ai eue au théâtre», a écrit Luke Jennings. Ses compères ne furent guère plus tendres. «Du fumier», a conclu Mark Monahan du quotidien conservateur Daily Telegraph.

Ce doigt d'honneur aux conventions théâtrales avait pourtant soufflé le directeur de Sadler's Wells, Alistair Spalding, au festival d'Avignon en 2009.

«Je n'avais jamais rien vu d'aussi audacieux», dit-il à La Presse.

Triomphe en France

Heureusement, les interprètes de Dave St-Pierre ne manquent pas de tendresse ailleurs en Europe, où ils sont en tournée intermittente depuis novembre 2010.

Ils étaient les enfants chéris du public parisien, à la fin, mai, lors de cinq représentations euphoriques au Théâtre de la ville.

«Les gens étaient en extase, dit Claire Verlet, directrice du théâtre en entrevue téléphonique. Je n'avais rien vu d'aussi génial. Les ovations ne finissaient plus. On ne les laissait pas partir!»

Le chorégraphe québécois a été invité à Düsseldorf (Allemage) et Salzbourg (Autriche) à la fin de l'été pour plancher sur la suite d'Un peu de tendresse... toutes dépenses payées. Elle complétera sa trilogie sur les rapports amoureux, initiée en 2004 avec Pornographie des âmes.

L'engouement franco-germanique n'a de toute évidence pas encore traversé la Manche.

À Londres, une bonne cinquantaine de personnes a quitté la salle de 1500 sièges pendant la représentation. Les autres avaient l'air souriant ou songeur après le spectacle.

«Je n'avais pas ri comme ça depuis longtemps», dit Ulrike Tombling, 37 ans.

«J'ai trouvé ça pénible, dit de son côté Simon Sterne, 38 ans. On a voulu nous provoquer, mais dans quel but?»

Dans les loges, les danseurs avaient reçu l'accueil mitigé comme une douche froide.

«On a eu des réactions presque violentes...On envahissait leur espace sacro-saint», explique Alexis Lefebvre.

Alistair Spalding tempérait les esprits.

«On adore ou on déteste, c'est normal. J'ai bien l'intention de les réinviter», dit le directeur de Sadler's Wells.