À l'invitation des Grands Ballets canadiens, le Ballet National d'Ukraine présente Le lac des cygnes jusqu'à dimanche, à la Salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts. La dernière fois que ce chef-d'oeuvre du répertoire romantique a été présenté à Montréal remonte à 2001, dans une fastueuse production du Universal Ballet de Corée. Cette fois, l'envergure n'est malheureusement pas la même ni dans la scénographie ni même dans l'interprétation.

En fait, la production de la compagnie de Kiev manque de subtilité. Passons les criards éclairages rougeoyants qui annoncent sans cesse l'arrivée du magicien Rothbart ou ses maigrelettes ailes de hibou, une grande partie de la distribution, le soir de la première du moins, donne l'impression qu'elle danse davantage sur le pilote automatique.

Les interprètes sont techniquement flamboyants (malgré quelques ratés, notamment de la part d'Ivan Boiko, le danseur du Pas de trois du 1er acte, et d'Anastasia Matvienko au moment d'une transition dans le Pas de deux du cygne noir), mais leur jeu manque de nuances. Et ce sont précisément ces nuances à fleur de peau qui, lorsqu'elles ne versent pas dans un excès de pathos, rendent toute la puissance et la magie de cette histoire de duplicité et d'amour surnaturel entre un prince et une belle jeune fille, transformée en cygne par le funeste Rothbart.

Notamment, tous les frémissements, les instants de coup de foudre, de déchirement et d'effroi, les pivots dramatiques en fait, sont trop rapidement esquissés entre Anastasia Matvienko, dans le rôle d'Odette/Odile, et Denis Matvienko, dans le rôle du prince Siegfried; le ballet y perd son supplément d'âme et une part de sa lisibilité. Par exemple, lorsque le prince aperçoit Odette près du lac pour la toute première fois, il l'effarouche à peine. Le cygne blanc est souvent plus long à apprivoiser. Ou, dans la scène finale, alors que Siegfried serre Odette contre lui pour la protéger des assauts de Rothbart, l'étreinte, en plein climax, manque totalement de conviction!

Dignité résignée

Cela dit, Anastasia Matvienko, aux lignes élancées, campe très bien cette dignité résignée si propre au personnage d'Odette. Dans son rôle d'Odile, le cygne noir qui sert d'appât à Rothbart pour tromper Siegfried, la ballerine y va de manière plutôt froide, se concentrant sur les morceaux de bravoure, sans jouer les tentatrices séductrices comme le choisissent de l'interpréter certaines danseuses.

Le corps de ballet, qui se transforme, dès le 2e acte, en volée de cygnes en formations parfaitement symétriques, retient évidemment l'attention. Lignes parallèles, diagonales disciplinées et surtout ces interminables serpentins qui se referment autour d'Odette pour la protéger ne peuvent qu'éblouir et parfois même émouvoir lors du dénouement final.

En terminant, soulignons la participation de Kateryna Chebykina dans le Pas de trois du 1er acte. Sa présence rafraichissante, son aisance et sa grâce fluide constituent un des temps forts des divertissements du ballet.

Le lac des cygnes du Ballet National d'Ukraine, présenté jusqu'à demain, à la Salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts. Info: 514-842-2112