C'est aujourd'hui le 40e du Festival international de la chanson de Granby, mais avant d'en parler, il me faut souligner quelque chose d'assez extraordinaire: cette semaine, selon les chiffres officiels compilés par Nielsen, sept artistes du Top 10 ventes d'albums francophones sont des femmes. Sept! Les trois autres positions? Elles sont occupées par un duo homme-femme (Alfa Rococo), un disque hommage (à Félix Leclerc, en première position et où l'on trouve quatre chanteuses), enfin le disque de reprises de chansons Dubois par des chorales - composées pour une moitié de femmes! De mémoire de journaliste, je n'ai jamais vu autant de femmes dans un palmarès. Un palmarès de ventes!

Et le plus extra? Ces sept chanteuses représentent à peu près tous les genres musicaux : Annie Brocoli (2e place) en musique pour enfants, Cindy Daniel (3e) interprète de pop, Louise Forestier (4e) auteure-compositrice de chanson à texte, Ariane Moffatt (5e) auteure-compositrice en électro-pop, Ima (7e) dont le disque de reprises jazzy continue à faire un malheur, la Française Carla Bruni (8e), enfin la très dance-rock Marie-Mai (10e place). Elles n'ont pas toutes «couru les concours», mais elles ont manifestement tout pour gagner des amateurs de musique, tous sexes confondus. Il me semble que ça se fête, ce genre de petit événement grandement révélateur...

 

Il existe peu de concours de chansons francophones sur la planète qui ont tenu le coup aussi longtemps que Granby - le vénérable Eurovision, de l'autre côté de l'Atlantique, a bien 52 ans, mais il n'est pas réservé exclusivement à la chanson en français.

Le festival de Granby, lui, a 40 ans et pas mal toutes ses dents. Car il est beaucoup plus que notre «plus ancien concours de chanson». En feuilletant l'album-souvenir publié à l'occasion du 40e anniversaire, cela saute aux yeux: on y trouve, parmi les gagnants, le nom de presque tous ceux qui ont profondément changé la chanson au cours des dernières années. Et qui ont fait en sorte que les amateurs de musique comme le grand public s'intéressent et s'identifient profondément à la chanson québécoise. Que serait notre répertoire collectif sans les morceaux de Jean Leloup (gagnant de la catégorie auteur-compositeur-interprète en 1983), Luc de Larochellière (1986), Lynda Lemay (1989), Dumas (1999) et Pierre Lapointe (2001)? Même Dédé Fortin, avant de fonder les Colocs, avait participé à Granby en 1991 et s'était rendu en demi-finales... Quand à Kaïn, il s'est hissé à l'étape de la finale, dans la catégorie groupe, en 2001.

La chanson québécoise sans Leloup, sans Lapointe, sans Dédé et compagnie? Sans Embarque ma belle ni Cash City ni Le plus fort c'est mon père? Inimaginable, tout simplement...

Et puis, c'est comme gagnantes de la catégorie interprète de Granby que Marie-Denise Pelletier, Isabelle Boulay et Cassiopée ont attiré la première fois l'attention... En fait, et que cela reste entre nous, Granby est à ce point une référence que, entre journalistes, on parle d'orchestres ou d'arrangements qui «sonnent Granby». Bon, ce n'est pas toujours gentil puisqu'on utilise souvent cette expression pour désigner des orchestrations un peu trop propres et lisses. Mais c'est néanmoins une façon de souligner le «son» distinctif de ce festival, qui accompagne ses participants jusque dans la moindre sonorité.

C'est peut-être même là le secret de la longévité de Granby: ce festival a décidé, il y a fort longtemps, de faire tout son possible pour aider ses poulains à avoir une carrière, pas seulement un premier prix.

Alors, ce soir, vers 19h30, quand se lèvera le rideau du Palace de Granby sur la 40e finale du festival depuis 1969, levez donc, de votre côté, votre verre, réel ou virtuel. Et portez un toast à Granby, qui nous a permis de fredonner «ho, ho, ho, ma p'tite Julie», «Au colombarium», «C'est le printemps et c'est l'été», «Miss Ecstasy»...