Le troisième Grand charivari prendra d'assaut les rues du centre-ville, dimanche, avec pour thème le «premier baiser». Sept tableaux inspirés par sept formes d'art proposeront sept interprétations différentes de ce moment marquant dans la vie des histoires d'amour. Le défilé, dernier rassemblement du Festival Juste pour rire, se terminera à la place des Festivals, histoire de donner une âme au lieu, disent les organisateurs.

Chaque tableau du Grand charivari est orchestré par un artiste différent, en collaboration avec un arrondissement ou une ville. Pour le tableau «arts visuels», le peintre Zilon a ainsi été jumelé à Montréal-Nord.

«Pas d'egos. Tous égaux». Pour le titre de son tableau, Zilon voulait un antidote aux préjugés qui empoisonnent, selon lui, Montréal-Nord. Il le conçoit comme un phénix. «Oui, quelques têtes folles ont fait des conneries dans le quartier. Mais à partir de ça, on a démonisé l'endroit. Les médias l'ont dépeint en Harlem dangereux où il ne faudrait pas s'aventurer. On a mitraillé le quartier à mort. Nous, on le montre qui renaît de ses cendres avec cette protestation positive», lance-t-il d'un ton machinal.

Zilon et Danielle Roy, conceptrice du défilé, sont assis sur une petite table de l'aréna Fleury de Montréal-Nord. Derrière le bâtiment est garée une «voiture retraitée» du poste 39. Les policiers ont accepté que Zilon la transforme en oeuvre avec ses bonbonnes d'aérosol. Des motifs cartoonesques fluorescents la rendent aujourd'hui méconnaissable, si ce n'est des gyrophares.

Douze policiers joindront la voiture et quelque 100 citoyens de tous âges de Montréal-Nord dans ce tableau du défilé de dimanche. Ce sont les citoyens de l'arrondissement qui ont conçu les représentations picturales du «premier baiser» qu'on verra. Les ateliers se déroulent depuis l'hiver dernier. «Ce n'est pas ma création», tient à préciser Zilon.

«J'ai semé une graine dans la terre de Montréal-Nord, ajoute l'artiste. Les citoyens ont créé à partir d'elle. Tu ne peux pas demander à une plante de pousser droit. Tu la regardes pousser.»

Que verra-t-on d'autre dans le tableau? Des rappeurs, des percussions faites sur des objets de rue comme des poubelles et des structures hautes de 16 pieds qui symbolisent les maisons du quartier.

Charlebois et ses grenouilles

Les autres tableaux sont aussi associés à des artistes et à une ville ou un arrondissement. Les arts premiers et les arts numériques (Danielle Roy/Ville-Marie) ouvrent et ferment la marche. Entre eux: l'architecture (Pierre Thibault/Saint-Michel), la peinture (Zilon/Montréal-Nord), la sculpture (Michel Goulet/Salaberry-de-Valleyfield), la musique (Robert Charlebois/Pierrefond-Roxboro), la danse (Margie Gillis/Plateau-Mont-Royal), le théâtre-poésie (Lorraine Pintal/Outremont) et le cinéma (Pierre-Paul Savoie/Plateau-Mont-Royal).

Certaines de ces communautés ont déjà profité de défilés locaux lors de la Fête nationale ou de la fête du Canada, en guise de répétition pour le Grand charivari.

Leurs interprétations du premier baiser devraient rester très libres. Par exemple, pour le tableau de la musique, Robert Charlebois et son arrangeur Daniel Lacoste proposeront une relecture instrumentale et foraine de trois chansons, Cartier, J't'aime comme un fou et The Frog Song. Le tableau en noir et blanc symbolisera entre autres des notes de musique. Des meneuses de claques «extrêmes» adopteront le cri de ralliement: «I'm a frog, you're a frog, kiss me...»

Quant au sculpteur Michel Goulet, il s'est inspiré de deux traits de Valleyfield: ses activités nautiques et son industrie textile. Il fabriquera des voiliers à partir de sacs plastique et de morceaux de tissu. Des ballons perchés au bout de tiges molles ballotteront au vent pour «embrasser» le public.

«Chaque artiste interprète différemment l'idée, s'emballe la conceptrice et directrice artistique Danielle Roy. Un cerveau d'architecte ne fonctionne pas comme un cerveau de cinéaste. Ça donne des résultats vraiment intéressants.» Dans la tradition européenne, Danielle Roy s'intéresse aux fêtes populaires depuis le début des années 90.

Ses expériences à Venise, Bâle et ailleurs dans le monde l'ont inspirée. «Bâle organise une grande fête populaire annuelle depuis 480 ans. C'est une superbe tradition qui s'y perpétue. J'aimerais amener quelque chose de similaire à Montréal.» C'est elle qui voulait que le Grand charivari se termine à la place des Festivals. Toutes les formes d'art y convergeront donc dimanche soir. «Je voulais que la population fasse un geste simple et puissant pour donner une âme à la Place», raconte-t-elle.

Le défilé dispose d'un budget total de 1 175 000 $. La Ville de Montréal a accepté de lui verser 500 000 $ cette année. Le reste de l'argent provient de Juste pour rire. Depuis sa dernière présentation, le Grand charivari est devenu un organisme à but non lucratif.

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GRAND CHARIVARI, dimanche. Départ à 20 h 30 à l'angle des rues Saint-Denis et Ontario. Une deuxième présentation aura lieu le 7 septembre.