Nos journalistes Chantal Guy et Paul Journet dressent leur bilan du 27e Festival Juste pour rire.

Les deux meilleures minutes du festival

Johanne Lapierre au Cabaret Bio Dégradable. Appelons cela de la littérature hallucinogène. La biographie - déjà! - d'Elisabetta, ex-lofteuse déchue. Johanne Lapierre la lisait avec juste assez de sourire et d'ironie dans la voix. D'autres participants au Cabaret Bio Dégradable théâtralisaient trop leur lecture. Au lieu de se mettre ainsi en évidence, Lapierre optait pour la sobriété, ce qui laissait toute la place à l'ahurissant mélange d'insipidité, d'impudeur et d'inepties du texte. Comme avec cette tranche de vie: vélo stationnaire à 30 km/h pendant trois heures = équivalent de parcourir la distance Montréal-Chicoutimi...

Les deux pires minutes du Festival

Dominic et Martin, dont les calembours tombaient à plat au Gala de Rachid Badouri. Si on riait à des phrases comme «le roi de la pop a poppé», c'était surtout au deuxième degré. On sait le sympathique duo capable de mieux. Mention honorable aussi à PaGAGnini. Le quatuor à cordes a reçu de bonnes critiques, mais on cherche encore à comprendre pourquoi.

Le meilleur spectacle du Festival

Bill Cosby. Si on choisit cette légende vivante, c'est parce qu'il propose quelque chose de vraiment différent. Malgré ses 72 ans, il présentait samedi dernier deux généreux spectacles de plus de deux heures chacun. Des «performances», comme il les nomme. Assis dans son habit de jogging, Cosby fronce les sourcils et semble vraiment réfléchir avant de choisir quoi raconter, et comment le faire. Il nous plonge en quelques secondes dans la peau d'un garçon de 6 ans, puis dans celle d'un ado de 13 ans, victime de ses hormones. Cela ressemble à de l'improvisation contrôlée. Et c'est d'ailleurs le meilleur spectacle vu à la Place des Arts depuis celui d'un autre papi tout aussi libre sur scène, Ornette Coleman.

La révélation du Festival

Juste pour rire a sacré Sugar Sammy révélation de l'année. Curieux. L'excellent Montréalais avait déjà été découvert il y a au moins deux ans, et c'est maintenant une vedette à l'échelle internationale. Nous n'avons pas remarqué de nouvelle coqueluche prête à tout fracasser, comme Rachid Badouri il y a quelques années. Mais on a quand même découvert des talents encore trop peu connus. Trois noms: Eddy King, très drôle dans sa critique des relents de colonialisme envers l'Afrique subsaharienne. Guillaume Wagner, qui décryptait avec verve le cerveau mâle dans À quoi tu penses? Et, enfin, Dominic Paquet, qui, lui, roule sa bosse depuis un peu plus longtemps. Ses textes sont bons sans plus, mais il les joue superbement. Avec lui, le thème «pas capable de vomir» devient hilarant. Assez pour lui pardonner 2 laits, un sucre.

La meilleure blague

Patrick Timsit dans la peau du médecin qui parle à son patient. «Fumez-vous? Non. Buvez-vous? Non. Avez-vous des relations sexuelles avec des partenaires multiples? Non. Mais alors pourquoi voulez-vous vivre vieux?»

En résumé

Cette 27e mouture du Festival Juste pour rire marquait aussi la naissance de son petit frère, le Zoofest, festival multidisciplinaire axé sur les découvertes. Son volet franco était constitué en bonne partie de spectacles qui appartenaient auparavant à Juste pour rire. L'organisation n'était pas toujours rodée, à commencer par le site internet - une coquille vide qui ressemble à un mauvais jeu vidéo. Donnons-lui un peu plus de temps pour se développer.

Le volet Arts de la rue proposait encore quelques spectacles débordant de l'univers comique. Le plus réussi était sans doute Le mur du son, cette chorale pop audacieusement mise en scène par Olivier Dufour.

En salle, les galas, inégaux par définition, présentaient souvent les mêmes visages. Mais le Festival s'est racheté avec plusieurs petits spectacles offerts au Cabaret, au Studio ou au Musée Juste pour rire. Une nouvelle génération d'humoristes y pratique son humour en marge des projecteurs. Mais pas dans l'anonymat. Une bonne foule de 18-35 ans assistait à chacun des spectacles où nous étions. La diversité existe. Suffit de se donner la peine de la chercher un peu.