Sylvain Larocque lance Vu d'même, son troisième one-man show. D'un accident de moto à ses mésaventures à la discothèque L'Arnaque de Saint-Léonard, le pince-sans-rire raconte le parcours qui le mène à parler d'un nouveau sujet: lui.

«Quelqu'un m'a demandé sur Facebook si j'étais le vrai Sylvain Larocque, raconte-t-il. J'ai répondu: si j'avais volé l'identité d'un personnage public, j'en aurais choisi un plus cute.»

 

Vrai, l'homme assis devant nous n'est pas le beau gosse de l'humour. Mais il est sans doute un de ses plus grands talents. On s'étonne d'ailleurs qu'il ne soit pas plus populaire. C'est peut-être parce qu'il jongle avec trois carrières: humoriste franco, humoriste anglo et auteur (notamment pour François Morency, Mario Jean, Laurent Paquin, Anthony Kavanagh, Jean-Michel Anctil et bientôt Philippe Bond).

Dans les prochains mois, il se consacrera surtout à Vu d'même. Parmi les thèmes qu'il y aborde: la politique, l'éducation et la langue française. Mais ce n'est pas pour jouer à l'intello. «Un gag de cul n'est pas forcément inférieur à un gag sur Sartre, se plaît-il à rappeler. Ce qui compte, c'est le regard sur une chose, pas la chose elle-même.»

En plus de l'humour d'observation, il joue pour la première fois des personnages. Parmi eux, René Bourassa, chef du Parti des indécis et emblème de notre schizophrénie politique. On assiste aussi à la naissance d'un prof «style Edgar Fruitier», qui enseigne en même temps la sexualité et le français dans sa version Pléiade.

Larocque s'observe aussi lui-même. «Je suis rendu là, je pense. J'ai assez vieilli pour inviter les gens dans ma tête.» Par exemple, il recrée la «réunion du C.A. de ses émotions», qui examine s'il veut vraiment un enfant. Et il parle de sa mère. «Elle a réussi à élever un p'tit gars qui se sentait tout croche à cause de son oeil de travers. Je me faisais péter la gueule continuellement, on changeait d'école aux six mois. Elle a même déjà dû venir me défendre dans la cour d'école. Je me souviens d'elle, la vieille hippie de 5pi2 en poncho debout sur le banc de neige, qui fixait les enfants dans les yeux en criant: «C'est qui le 'ti maudit qui a fait ça à mon gars?» «

Quatre fois gagnant de l'Olivier du meilleur auteur, Larocque signe environ 90% de ses textes. Quelques confrères l'ont aidé pour le reste (François Léveillée, Laurent Paquin, Pierre Hébert et Daniel Gagnon). Il a aussi engagé deux artistes étrangers au petit milieu de l'humour: Serge Postigo (mise en scène) et Dee (musique).

«Pour me préparer, j'ai acheté tous les DVD d'humour québécois. Ça m'a coûté environ 400$. Mais je n'ai finalement regardé que celui de Sylvain. Les autres sont restés dans leur emballage...», avoue Postigo en riant. Il dit avoir simplement voulu «habiller un peu» l'habituel décor micro-tabouret-verre d'eau du stand-up.

Quant à l'hyperactif Dee, connu autant pour ses albums que ses pièces musicales vendues à la télé (CSI, Six Feet Under, Law&Order, One Tree Hill), son électro devrait tonifier les numéros. «Je suis comme le cracker entre les verres de vin», indique-t-il.

L'accident comme réveil

Il a fallu un accident pour que Sylvain Larocque ose faire de l'humour son métier. «Pour jouer safe, j'avais choisi une éducation classique (bacs en chimie et à HEC), explique-t-il. Puis j'ai failli mourir en moto. J'ai passé un mois aux soins intensifs, même les transfusions sanguines ne fonctionnaient pas.»

La claque le réveille. «Tellement de gens se contentent d'un malheur familier au lieu d'un bonheur risqué, confie Larocque. Moi, j'ai décidé de vivre pour ne jamais rien regretter.»

En parallèle à sa carrière du «plus minable vendeur de IBM», il en lance donc une autre d'humoriste. Elle finira par l'occuper à temps plein.

L'ascension sera toutefois lente. Parfois même pénible, comme lors d'un spectacle au milieu des années 90 dans une discothèque de Saint-Léonard nommée L'Arnaque.

«C'était le party de Noël des livreurs des rôtisseries Au Coq, raconte-t-il. On offrait 600$ à un collègue et moi pour un numéro. (...) On est montés sur scène vers 23h, trois heures plus tard que prévu. Le plancher s'est vidé d'un coup, mis à part les gars paquetés qui venaient se servir devant moi au buffet. Personne ne riait. Une femme est venue m'arracher le micro au milieu du numéro en disant: «C'est pourri». (...) Aujourd'hui, avant un gala ou un soir de première, je souris. Ça ne peut pas être pire.»

Vu d'même, de Sylvain Larocque, du 20 au 24 octobre au Cabaret Juste pour rire, puis en province.