Pour les non-initiés, les débuts de Gregory Charles à Paris paraîtront modestes et laborieux: sur une capacité hebdomadaire de 4200 places au théâtre Dejazet, on a vendu 124 billets la première semaine, 361 la seconde et moins de 700 la cinquième, pour finir pratiquement à guichets fermés la septième et dernière semaine, qui se termine samedi.

Les initiés, de leur côté, trouveront que la progression est tout à fait normale et même prometteuse dans le cas d'un parfait inconnu qui débarque à Paris.

«Pour quelqu'un qui, dans son pays, remplit des salles gigantesques, c'est étonnant de voir avec quel professionnalisme et quelle modestie Gregory a vécu ces sept semaines, explique son attachée de presse, Dominique Larmoyer. Il savait que la percée à Paris n'allait pas de soi, qu'il partait de zéro, mais pour lui Paris était très important. Il était tous les soirs enthousiasmé par la réaction du public.»

Son producteur, Gilbert Rozon, qui a fait le pari coûteux de louer le Dejazet pour sept semaines, est catégorique: «Il faut voir le délire des salles en fin de spectacle. La dernière fois que je l'ai vu, il a eu droit à sept ovations. Mon seul regret, c'est de ne pas avoir pris le risque de le programmer jusqu'à la mi-décembre.»

Rozon admet que le démarrage a été plus lent que prévu: «Je pensais que ça prendrait deux ou trois semaines pour l'installer et créer le bouche-à-oreille. Ça en a pris cinq ou six. On sait maintenant qu'on aurait pu jouer à guichets fermés quatre semaines de plus, faire une interruption pour le temps des Fêtes et annoncer des prolongations pour la fin janvier. Je me suis trompé dans mes prévisions. Le métier de producteur n'est pas une science exacte. Mais tant pis: on va maintenant trouver une salle pour février-mars et exploiter à fond la rumeur qui s'est créée.»

Dans l'équipe de Juste pour rire, chacun savait que Gregory Charles n'était pas un «bon» client pour la télé, ce qui est un handicap majeur. «On n'avait aucun numéro clé en main à proposer aux télés, et de passer un extrait de deux minutes de son spectacle n'avait aucun sens, explique Dominique Larmoyer. Il fallait donc miser sur les journaux télévisés et sur les critiques.»

Gregory Charles a finalement décroché le téléjournal principal de TF1 - le gros lot -, mais seulement au début de la cinquième semaine. France 2 a également fait un sujet qui n'est pas encore diffusé. France 3 a prévu venir, mais ce n'est pas encore fait. Miraculeusement, Le Monde a publié la semaine dernière une courte critique dans laquelle on parle de spectacle réussi et «rafraîchissant». L'effet d'entraînement commençait à se faire sentir, mais trop tard.

Pour un petit producteur, ce serait peut-être désespérant. Mais Juste pour rire a les moyens de tabler sur le long terme: «La progression était désormais parfaite, dit Rozon, et la rumeur était exceptionnelle. Une animatrice comme Christine Bravo est revenue trois fois. On était près du but. Ça ne fait rien. On gagnera en février prochain. Et d'ailleurs, on reviendra avec un numéro sur mesure pour la télé. On apprend toujours.»