Mario Jean portait des gants en patte d'ours lorsqu'il est monté sur scène hier soir au Théâtre Maisonneuve pour la première médiatique de son quatrième one-man show, Gare au gros nounours!.

Le titre est bien choisi. Il n'y devient pas le gros cave, ni le fendant ou le bellâtre. Mario Jean reste lui-même, le bon gars qui distribue quelques coups de griffes quand on a trop testé sa patience.

Ce qui l'emmerde? Le diktat des diététistes, l'irresponsabilité des chauffards, l'apathie collective, une certaine difficulté à entrer en contact avec sa mère, son insomnie, le culte de la performance sexuelle et son ado en pleine régression mentale. Chaque thème est traité dans un tableau distinct.

Le spectacle commence un peu tranquillement avec les numéros sur l'alimentation et les adolescents. Cela ressemble à du comfort humor. Il n'y a rien de mal à parler de couple et de famille, au contraire. C'est seulement qu'il les cuisine de façon prévisible et sans trop de finesse.

Reste que ça fonctionne. Il doit bien y avoir une raison. Jean met le doigt sur certains repères communs. Ce sont ceux du bon gars mou qui craint sa blonde bien intentionnée, ou encore de l'ado allumé comme une plante, avec le cerveau aussi bas que ses jeans.

Jean prend souvent la posture du gars ordinaire. Armé de son gros bon sens, il tire sur les élites - fonctionnaires, politiciens ou scientifiques qui veulent le gaver de clémentines, d'antioxydants et de petite vertu. Monsieur préfère ses biscuits Oreo et sa tivi.

Les gags deviennent plus efficaces quand Jean dit des choses moins faciles, comme l'aveu qu'il peut trouver son propre ado, disons, teigneux et laid.

Tous ces gags viennent de lui. Le natif du Saguenay a écrit à 95 % son nouveau spectacle. Il le rend avec sa bonhommie habituelle, décontracté mais sans flegme. Tout coule. Sa faiblesse réside toutefois dans son jeu. Lorsqu'il doit incarner des personnages, le résultat est moins naturel. Par exemple, son imitation d'un ado ressemble à quelqu'un qui n'est plus ado depuis longtemps.

L'effort scénique



Gare au gros nounours! ne pèche pas par paresse. La mise en scène (Pierre Paquin) est assez élaborée pour un spectacle d'humour, avec plusieurs items et six panneaux pivotants qui reposent sur un socle fluo. Peu importe l'esthétique, l'ensemble accentue l'effet comique.

On propose même un théâtre de marionnettes grandeur nature. Jean se transforme lui-même en marionnette pour expliquer aux «gros tapons» les dangers du jeu pathologique et de la conduite en état d'ébriété. L'humour réside ici plus dans la mise en scène que dans le texte.

Plus réussi, le numéro aigre-doux où il recrée une conversation téléphonique avec sa mère. On croirait presque à une méta-conversation. Le public n'entend que sa voix. Le cellulaire vissé à l'oreille, il essaie de se faire comprendre par sa mère, et aussi un peu de se déculpabiliser pour son absence.

Plus tard, les lumières se ferment et Jean se couche sur un lit pour parler de son insomnie. Il prend des accents de Pierre Légaré - agréable surprise - pour donner libre cours aux voix et pensées qui refusent de se mettre en veilleuse pour le laisser s'endormir.

Ces différentes mises en scène varient le ton et le rythme des numéros. Le spectacle dure 1 h 45, et il n'y a pas beaucoup de longueurs, à part peut être certaines interactions avec la foule. Mais cela fait partie de l'approche de Mario Jean. On ne voit pas un humoriste en transe. Plutôt un prototype du gars ordinaire et sympa qui se fait le porte-voix de son public pour mieux le divertir, habilement et sympathiquement. _______________________________________________________________________________________________

Mario Jean, jusqu'au 21 novembre au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts, puis ailleurs en province.