Il aura totalisé quatre mois de scène au Gymnase, à Paris, joué dans deux téléfilms, connu la paternité et joui de la vie: 2009, année faste!

Sur les Grands Boulevards, le Gymnase est l'un de ces merveilleux théâtres à l'italienne avec du velours rouge et deux balcons, mais aussi les coulisses les plus tortueuses et délabrées de la ville de Paris. «Rassurez-vous, plaisante Anthony Kavanagh, l'électricité n'est pas d'origine: on l'a refaite en 1910!»

Bon. Les loges ne sont pas non plus hollywoodiennes, mais plutôt défraîchies. Mais le Gymnase est également un théâtre-culte où, notamment, un certain Coluche au sommet de sa gloire tint l'affiche pendant plus de six mois en 1980.

Il se trouve que, finalement, Anthony, qui a pris l'affiche le 10 novembre et jusqu'au 2 janvier, aura fait quatre mois entiers dans cette salle de 700 places. Ce qui commence à être un record dans le monde du show-biz parisien: «Quand je remercie le public d'être venu... malgré la crise, dit l'humoriste, je le pense vraiment: ces jours-ci, il y a pas mal d'humoristes et d'artistes qui rament pour remplir des salles.»

Hier soir, pour un mardi pluvieux de la fin novembre, Kavanagh n'avait pas trop à se plaindre côté billetterie. Il y avait manifestement quelques dizaines d'invitations, mais la salle était finalement pleine à craquer. Succès d'autant plus notable que son spectacle Ouate else! ne devait commencer que le 4 décembre: mais comme la location marchait très fort, on a décidé d'ajouter des prolongations... quatre semaines avant la date prévue!

Un public passablement varié: beaucoup de couples de 25 à 35 ans, mais aussi des gens plus âgés. Un peu plus de Noirs qu'on n'en verrait en moyenne dans un spectacle «incolore», mais rien qui ressemble à une manifestation communautariste. Le point commun qui réunit la plupart des spectateurs: ils ont déjà vu Kavanagh en spectacle. Tonnerre d'applaudissements quand il fait son entrée sur scène. Et ça démarre sur les chapeaux de roues.

Comme il le dit lui-même, «ce spectacle est inédit à 50 %. Et dans deux semaines, ce sera à 70 %, car on est en train de mettre la dernière main à deux sketchs prévus à l'origine pour le mois de décembre.»

En fait, Ouate else! (allusion à la célèbre pub de George Clooney pour Nespresso) reprend ici et là des éléments déjà utilisés dans les spectacles des dernières années, mais ramassés et actualisés. Avec ses deux coparoliers Pluvieux et Gidouin, l'homme-orchestre a truffé ses numéros d'allusions à l'actualité: les déboires de l'équipe nationale de football, Sarkozy et Carla Bruni, la grippe H1N1.

Mais tout ça est mêlé dans un tourbillon ininterrompu qui circule à toute vitesse, les gags et les sujets défilent sans que jamais on ait l'impression de s'appesantir ou de forcer la note. On est en train de rigoler à une satire féroce de Jean-Paul II, avec une allusion aux prêtres pédophiles, et une minute plus tard, Kavanagh rappelle: «Le catholicisme et le bouddhisme, on peut s'en moquer, mais les autres religions, je préfère éviter, je veux rester en vie.» S'entremêlent alors les thèmes favoris du Québéco-Haïtien: le racisme en France - traité avec humour -, les rapports hommes-femmes, le sexe et, bien entendu, les travers de la vie moderne, la toute-puissance du iPod et de Facebook. Un humour acéré que Kavanagh dose avec habileté: «La France, dit-il plus tard dans sa loge, est devenue plus politiquement correcte que le Québec et les États-Unis. Je m'amuse de ces interdits... et je me censure.»

Le spectacle est servi par un dispositif scénique remarquable: trois grands panneaux lumineux en fond de scène dont la trame colorée varie continuellement, et des éclairages virtuoses - signés Alain Longchamp - qui suivent les circonvolutions du performeur à la seconde près. Le show de 1 h 40 passe à une vitesse folle. En rappel, Anthony Kavanagh s'offre le plaisir d'interpréter un pot-pourri de succès américains, devant une salle qui l'acclame debout.

En interview, fin 2008, il nous expliquait comment l'année 2007 avait été maudite: la mort de son père et de son ex-fiancée, une comédie musicale produite par un professionnel plus que douteux et qui avait tourné à la catastrophe. «Je sens que 2009 sera formidable.»

Il n'avait pas tort. Le film d'Étienne Chatillez, Agathe Cléry, où il tenait la vedette masculine, n'a pas été un triomphe, mais il a quand même fait 1,3 million d'entrées. Dans un téléfilm pour Canal+, il a tenu récemment le rôle d'un Québécois homosexuel. Et dans un autre téléfilm, programmé le 8 décembre sur France 3, il incarne un GI américain amoureux d'une Française dans les semaines suivant le débarquement de 1944.

Le voilà donc, en cette année 2009, vivant, bien et heureux à Paris, ou plutôt dans cette verdoyante banlieue ouest de Suresnes où il s'est installé, face à un parc. Avec sa fiancée suisse. Qui vient d'accoucher d'un petit garçon. Tout baigne.