Pour son troisième one-man-show, après un assez long congé de paternité, Martin Petit est remonté sur scène avec la ferme intention de ne pas succomber à la tentation du fameux «moment émotif» devenu la norme dans les spectacles d'humoristes ces dernières années. Il a tenu parole, et on s'est tenu les côtes pendant toute la soirée. Martin Petit et le micro de feu est l'un des meilleurs shows de cette rentrée jusqu'à présent.

Si le micro de Martin Petit était en feu mercredi soir au Théâtre-National, ce n'était pas tant à cause de cette promesse de briser des tabous - le thème du spectacle - qu'en raison de la verve de cet humoriste qui parle sans presque respirer. Son texte est un long monologue qui part dans tous les sens et qui l'aime le suive. Comme la longue réflexion d'un hyperactif du ciboulot. Mais c'est surtout sa façon presque violente de tuer ses climax qui ont causé les rires les plus hystériques de la soirée - on ne vous les racontera pas, pour ne pas les brûler...

Certes, il aborde des sujets tabous mais personne ne sortira de son show offusqué. Martin Petit n'est pas un provocateur, il ne brise pas vraiment de tabous; ce qui l'intéresse surtout, c'est de nous raconter ce que ces tabous font dans la vie de tous les jours et combien ils la rendent comique.

Depuis qu'il a deux enfants, le délégué syndical de son corps, son pénis, est en moyens de pression et songe même à retourner aux études. Apprendre une nouvelle langue... Il rit de la femme cougar, ou lionne ou tigresse, enfin, de ces «chattes sauvages» qui chassent les hommes plus jeunes, mais il se demande à quel moment l'écart d'âge devient bizarre. Parce que, «ta grand-mère, tu veux qu'elle fasse de l'arthrite, pas des pipes!». En tant qu'homme blanc vivant dans la banlieue - donc criminel écologique - il ne peut se plaindre, mais il s'est découvert une façon d'être victime en ayant appartenu à la génération X, la sacrifiée, celle qui s'est fait «scrapper» sa première relation sexuelle dans les années sida - «pas le sida d'aujourd'hui, celui qui donne la grippe».

Il se pose des questions sur ces mots tabous qu'on évacue de notre vocabulaire, particulièrement ceux qui touchent les fluides corporels, dont on aime pas trop les couleurs. «Parce que si ce n'était pas tabou, on les trouverait chez Bétonel.» Enfin, il défend un certain pouvoir à l'humour pipi-caca tant détesté par les intellectuels. Il a un net penchant pour le caca, qui a «plus de matière» que le pipi - et il nous le prouve avec enthousiasme.

La deuxième partie du spectacle est encore plus échevelée, peut-être même trop, mille et un sujets y passent, mais il s'agit de la même machine à blague qui est à l'oeuvre, et elle contient certains des punchs les plus efficaces de la soirée. Le texte s'ouvre tout à coup vers une dimension plus cosmique, nous sommes tous un peu paumés sur cette petite boule bleue dans l'univers, la vie est pleine de surprises - «quand j'ai eu mes deux enfants, j'ai cru que je ne pouvais pas aimer plus fort que ça, et là, ils viennent de sortir le iPhone 4», un beau crescendo que l'humoriste conclut de manière... disons surprenante.

Martin Petit joue avec notre rate et nos nerfs, mais ne cède jamais au chantage émotif, préférant s'amuser avec les codes établis du stand-up, quitte à en faire de mauvais coups pendables.  Ce qu'il y a de rafraîchissant dans ce spectacle est qu'on ne sent pas la formule, et ses imperfections font partie de ses qualités. Petit semble s'amuser sur scène comme un enfant trop grand, ce qu'il est un peu, faut l'avouer.

Martin Petit et le micro de feu au Monument-National jeudi soir, 20h.