La Presse a rencontré à Paris l'humoriste Dieudonné. À quelques jours de présenter Rendez-nous Jésus, du 14 au 17 mai au Théâtre Corona, il évoque son spectacle et revient sur les controverses qui ont émaillé sa carrière au cours des dernières années.

«Je suis taquin et j'aime faire chier les cons. C'est mon truc. Même le lobby camerounais m'a tourné le dos!» Avec son humour corrosif, Dieudonné est encore boycotté en France ici et là. Mais il soutient mordicus que ses provocations tous azimuts reflètent son style d'humour.

Dieudonné M'Bala, né en France en 1966 d'une mère bretonne et d'un père camerounais, ne diffuse plus ses créations que par l'entremise de son propre réseau: son Théâtre de la main d'or, à Paris, ses sites, dieudonne-officiel.com et iamdieudo.com, ainsi que sa page Facebook.

Il faut croire que c'est suffisant. Le 11 avril, il a rempli, sans publicité ni aide médiatique, une salle de 3000 personnes à Lyon. «Tout se passe sur l'internet et les réseaux sociaux maintenant, dit-il. Et grâce au bouche à oreille. Je sais qu'au Corona, ce sera plein. Mais je suis moins boycotté qu'avant. On est sur la fin de la polémique. Je sors un film pour mettre un point final aux accusations d'antisémitisme.»

Militant pour de nombreuses causes, notamment le droit au logement, Dieudonné affirme que des associations juives ont focalisé leur attention sur lui, prenant au pied de la lettre ce qu'il dit être de l'humour.

«Il y a une sensibilité particulière dans cette société (française) par rapport à l'antisémitisme, dit-il. On doit combattre tous les racismes et toutes les discriminations, mais elles sont toutes risibles: elles sont l'expression de la bêtise humaine.» Dieudonné estime «qu'on peut rire de tout». Même de la Shoah...

Il avait rempli le Corona en 2009 avec son spectacle Sandrine. «Je pense que Rendez-nous Jésus marchera encore mieux. Ça devrait bien plaire aux Québécois. J'ai un personnage dans le spectacle, un M. Tremblay, journaliste à la revue Ostie de Calice, qui parle de son Jésus. J'essaie de confronter différents points de vue. Les Québécois devraient bien s'amuser.»

Une soupape

Rendez-nous Jésus évoque le personnage de Jésus dans la culture occidentale. «Il est omniprésent et, en fonction des périodes, il est plus ou moins rejeté. Je parle aussi de mon parcours, de ce qui m'est arrivé, et puis des élections, de DSK, du monde.»

Peut-on s'attendre à un spectacle corrosif? «Oui, je suis un peu critique, dit-il. Le Christ était critique. Je critique les marchands du Temple, ceux qui l'ont crucifié, mais c'est pour faire rire et, il est vrai, sur des sujets sensibles. Ce sont des questions au centre des préoccupations géopolitiques de la planète. Elles m'intéressent. L'humour a son utilité dans le processus, car il est une sorte de soupape pour ouvrir le dialogue.»

Vous ne vous êtes pas assagi? «J'avais quelques années d'avance, je pense! répond-il. Pour vous donner une idée, à la fin du spectacle, je demande aux gens de se tenir par la main et je leur dis: «Aimez-vous les uns les autres».»

Rendez-nous Jésus, de Dieudonné, du 14 au 17 mai au Théâtre Corona.

Dieudonné sur quatre sujets

L'antisémitisme

Dieudonné a sorti le film L'antisémite «pour mettre un point final aux accusations d'antisémitisme» à son endroit, dit-il. La Ligue contre le racisme et l'antisémitisme a voulu faire interdire le film en avril. Le Tribunal de grande instance de Paris a rejeté sa demande. La juge a déclaré que les images ne constituent pas «un négationnisme ou une provocation à la haine contre les juifs» et que «malgré son caractère insidieux et particulièrement outrancier [...] nul ne peut se tromper sur son aspect parodique».

L'extrême droite française

«J'ai combattu Jean-Marie Le Pen en 1997 à Dreux, mais j'ai depuis sympathisé avec lui. J'ai découvert un homme courageux. Je préfère discuter avec les gens. Je l'ai trouvé assez drôle même si je vais passer ma vie à lutter contre ça (le racisme). C'est de l'humilité face à mes certitudes. Quand on a annoncé qu'il serait le parrain de ma fille Plume en 2006, c'était dans le but de créer un buzz

Le conflit israélo-palestinien

Dieudonné dit qu'en tant que «descendant des colonies», il ne supporte pas «les gens qui colonisent d'autres gens avec des armes». «C'est une question de bon sens pour moi. On se heurte à la mauvaise foi du colonisateur israélien qui se cache derrière la souffrance. J'ai un ami israélien qui pense comme moi et qui est ostracisé comme moi.»

La présidentielle en France

«Sarkozy se fout de la France. C'est le laquais des États-Unis. Je vais voter Biquette, la petite chèvre! Après qu'on m'eut reproché d'être d'extrême gauche puis d'extrême droite, je préfère rester dans l'extrême distance. Les élections, c'est un programme télé. La décision ne nous appartient pas. C'est ce qui me paraît le plus humiliant: nous faire croire qu'on a un choix.»