On dit que la réaction du public au numéro d'ouverture d'une comédie musicale est un indicateur assez fiable du triomphe ou de l'échec d'une pièce sur Broadway. Dans le cas de Pippin, qui s'ouvre sur la chanson Magic to do, même s'il n'y a pas eu d'ovation mercredi soir, le numéro de quatre minutes a été longuement applaudi. Nul doute, la pièce est bien lancée.

Le défi était de taille. Le metteur en scène Bob Fosse ayant créé en 1972 une scène d'anthologie avec toutes ces mains lumineuses qui s'agitaient dans le noir pendant que le narrateur de l'époque, Ben Vereen (Jesus Christ Superstar), donnait le coup d'envoi de cette histoire centrée sur la quête de sens du fils du roi Charlemagne.

Dans ce revival mis en scène par Diane Paulus dans un décor très 70's, c'est l'ombre de Patina Miller (SisterAct) que l'on voit derrière le rideau de scène. Une fois le rideau levé, la narratrice apparaît au milieu d'un immense chapiteau de cirque, entonnant We Got Magic To Do pendant que les 22 interprètes chantent, dansent et multiplient les numéros acrobatiques.

De la magie, il y en a à foison pendant les quelque 2h30 du spectacle. Au sens propre, je veux dire. Ici, une paire de jambes se promène sans tronc; là, le corps du roi disparaît de son linceul... Mais Pippin se distingue aussi et peut-être surtout par son humour noir et grinçant. Par la communication directe avec le public aussi.

L'histoire de Pippin nous est contée par une troupe de jeunes acteurs qui fera d'un parfait inconnu une vedette de la scène.

Pippin, accessoirement le fils du roi de France Charlemagne, veut donner un sens à son existence. Il veut vivre une vie extraordinaire. Mais comment? Il fera l'expérience de la guerre, des femmes, de la politique, des arts... Jusqu'à ce qu'il fasse la rencontre d'une veuve, Catherine, et de son enfant, Theo.

Je résume un peu vite, mais c'est avec elle, en menant une vie ordinaire, et dans une famille reconstituée, qu'il trouvera le bonheur et qu'il mettra fin à son interprétation de Pippin. «If I'm never tied to anything, I'll never be free», conclut-il.

Dans le rôle du prince, Matthew James Thomas (Spider-Man) est charmant. Il a ce qu'il faut de sensibilité pour défendre ce personnage idéaliste qu'on voit passer à l'âge adulte. L'acteur chante et danse avec beaucoup d'aisance. Il participe également à plusieurs numéros acrobatiques, torse nu, pour le plus grand plaisir de la foule.

Les numéros collectifs où l'on voit chanter les acrobates et où les comédiens multiplient les acrobaties (au sol et dans les airs) sont les plus réussis. Notamment dans la scène de guerre contre les Wisigoths. La frontière entre le cirque et le théâtre disparaît alors pour ne former qu'un seul et unique tableau.

La participation des artistes des 7 doigts de la main, menés par Gypse Snider, est parfaitement dosée et sans conteste le secret de la sauce de Pippin. Ils brillent sans porter ombrage aux performances remarquables de Charlotte d'Amboise (dans le rôle de la vilaine belle-mère de Pippin) ou encore de Rachel Bay Jones, touchante dans son rôle de la veuve Catherine.

Mais le moment marquant de la soirée met en scène la grand-mère en exil de Pippin, défendue par Andrea Martin (My Favourite Year). Non seulement l'actrice sexagénaire joue parfaitement son rôle, mais elle fait un courageux duo de trapèze. La comédienne a reçu une longue ovation après sa performance.

Comme quoi la présence de vedettes comme Matthew James Thomas, Andrea Martin ou encore Terrence Mann (vu dans capucine) demeure aussi un gage de succès sur Broadway.