Des personnages de frère et soeur aux liens ambigus qui, pour résister au monde extérieur, se barricadent dans un bunker au bout d'une île. On sent le spectre de Réjean Ducharme rôder dans les parages. Marcelle Dubois reconnaît que sa pièce Jam Pack porte à la fois l'influence de l'auteur de L'avalée des avalés et du dramaturge Daniel Danis.

La moitié de l'année, Marcelle Dubois se consacre au Festival du Jamais Lu, dont elle assure la direction artistique. Le reste du temps, elle écrit.

 

Juste avant de monter sa pièce Jam Pack - qui a dormi pendant quatre ans avant de prendre vie à la salle Jean-Claude Germain -, Marcelle Dubois a passé trois mois à Limoges, où elle a fait une résidence d'écriture. «Ça fait réfléchir d'être à l'étranger. J'imagine qu'il y a un peu de vrai dans le fameux cliché qui dit qu'ailleurs, on te donne une place qui est plus difficile à avoir chez toi.»

Marcelle Dubois a donc dû faire preuve de patience avant de voir aboutir son projet de pièce. Monté en lecture il y a quatre ans, son texte devait d'abord être porté sur la scène de La Centrale, dont l'ouverture a été reportée à 2010. En mal d'une scène pour accueillir son projet, elle s'est tout naturellement tournée vers le Théâtre d'Aujourd'hui «parce que c'est le théâtre des dramaturges d'ici».

«Jam Pack, c'est un questionnement sur nos instincts de révolte et de marginalité, qui sont peut-être une manière de justifier notre refus d'aller vers l'autre.»

L'enfer, c'est les autres

Sur la scène de la salle Jean-Claude Germain, on fera donc la connaissance de Jam Pack (Félix Beaulieu-Duchesneau) et de Lucie Luciole Petite Lucie (Marie-Ève Pelletier), deux marginaux qui ont choisi de vivre en autarcie, pour résister à l'assimilation du village.

Pour Marcelle Dubois, qui s'épanche facilement sur le sens à donner à son texte, il faut voir dans le discours radical de ces deux ermites une métaphore du refus de passer de l'enfance à l'âge adulte. «C'est rassurant de rester dans la marge, la rébellion. De voir les autres comme des saboteurs d'identité», lance celle qui a longtemps cru que l'originalité passait par un refus de la masse.

«Mais je suis passée à autre chose. C'est pour ça, aussi, que je fais du théâtre. Par désir d'originalité peut-être. Mais aussi, surtout, pour m'inscrire au sein de la communauté», indique celle qui nourrit plusieurs amitiés à l'extérieur du milieu théâtral.

«Il est trop facile de créer un effet de petite île, une nouvelle masse, un nouveau «nous», parce qu'on se comprend dans nos référents. Le monde, la société, ce n'est pas 15 personnes dans une salle de théâtre qui se comprennent entre elles et qui parlent le même langage.»

Le «nous» de la marge

Marcelle Dubois, qui a cofondé la compagnie Les Porteuses d'aromates il y a huit ans, est de ceux qui voient le théâtre comme une prise de parole, et non pas comme une quête esthétique. «J'aime que le théâtre fasse appel au sens du public. Pour moi, l'objectif est de toucher cette zone qui se trouve entre le corps et l'intellect.»

En six ans d'écriture, elle a eu le temps de goûter à la «dure réalité» des jeunes auteurs. «Il faut se solidifier, comprendre le lien entre soi-même et le public. À un moment donné, tu as envie d'avoir les moyens de pousser ta vision artistique. Mais c'est correct, aussi, de franchir les étapes une à une.»

Petit à petit, une auteure fait sa place au soleil, dans son île.

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Jam Pack, texte et mise en scène de Marcelle Dubois, du 25 novembre au 13 décembre à la salle Jean-Claude Germain du Théâtre d'Aujourd'hui.