Shakespeare a ses habitudes au TNM. Or, jamais n'y a-t-on vu évoluer Béatrice, Bénédict, Claudio et Hero, qui forment les deux couples au coeur de la comédie Beaucoup de bruit pour rien. Une pièce classique qui a des airs de création.

«Ce n'est pas léger, mais pétillant», dit David Savard à propos de Beaucoup de bruit pour rien, qui prend l'affiche mardi au TNM et dans laquelle il interprète le fier Bénédict. La comédie de Shakespeare préfigure en quelque sorte la trame des comédies romantiques hollywoodiennes: d'entrée de jeu et malgré les méprises ou les revers de fortune, on sait que l'amour va triompher. Ce qui est plaisant, c'est bien sûr de découvrir comment.

 

Pour nous transporter dans cet univers d'intrigues malicieuses, de joutes oratoires pimentées et de sentiments exacerbés, le metteur en scène René Richard Cyr a réuni une distribution relevée dont Macha Limonchik (Béatrice), Maxim Gaudette (Claudio) et David Savard sont les pivots. Les voilà d'ailleurs attablés dans la bonne humeur dans le hall du TNM, profitant d'un répit imprévu: la répétition programmée en après-midi a été annulée.

Jouer ce Shakespeare, malgré les défis techniques qu'il implique (langue, diction, maintien, etc.), semble une partie de plaisir. Tous trois parlent de «l'énergie positive» que la pièce transporte. Du bonheur qu'ils ont à regarder leurs collègues répéter et oser embrasser la «naïveté» et la «légèreté» que René Richard Cyr veut faire ressortir de ce spectacle.

«Ce n'est pas une comédie où on se tape sur les cuisses du début à la fin, précise toutefois Macha Limonchik. Il y a un revirement dans cette pièce qui est plutôt dramatique et pour que le spectateur puisse croire que tout se renverse, il faut garder une vérité. Ce serait facile d'en faire une farce. Shakespeare offre des personnages colorés, de la drôlerie, mais René Richard met la pédale douce. Il faut qu'on croie qu'unetelle est morte et que le mariage ne se fera pas.»

L'univers est dans la pomme

René Richard Cyr n'a pas abordé Beaucoup de bruit pour rien comme un texte sacré. Il a retranché ou fusionné des personnages, élagué certains passages et transporté l'action dans un verger. La pomme symbolisant à la fois l'amour, le désir et le péché, ce changement de lieu semble tout à fait indiqué. Elle fait adroitement écho à l'infidélité présumée de Hero (Sophie Desmarais), ainsi qu'à la cour que se font Béatrice et Bénédict sous le couvert d'échanges aussi insolents qu'éloquents.

L'un des attraits de cette comédie, c'est précisément la guéguerre verbale que mènent ces deux êtres qui font mine d'être indifférents l'un à l'autre. «On sent dès le départ qu'ils ont un passé, que c'est un vieux couple sans en être un», estime Macha Limonchik. David Savard voit en eux l'archétype du gars et de la fille qui se taquinent parce qu'ils s'aiment bien, mais qui sont trop orgueilleux pour être le premier à l'avouer. «Il a du respect pour elle», ajoute-t-il.

Béatrice est, en effet, la seule fille capable de lui tenir tête. Elle n'a pas que de l'esprit, mais aussi du culot, et tient des propos qu'on imagine difficilement sortir de la bouche d'une femme vivant au tournant du XVIIe siècle. «Il est étonnant de voir à quel point Shakespeare verbalise des choses qui pourraient faire partie du sous-texte du personnage», convient Macha Limonchik, qui ne doute pas une seconde que le public relèvera à quel point son discours sort de l'ordinaire dans une pièce en costumes.

Contrepoint au cynisme

Beaucoup de bruit pour rien est une pièce qui se joue dans les extrêmes et c'est ce qui lui donne du ressort, selon Maxim Gaudette. «L'émotion est très offerte et René Richard travaille beaucoup ça, il nous incite à ne pas la jouer intimement entre nous. Il faut l'exploser cette pièce-là, il faut la donner.»

«Ce n'est pas facile pour nous de faire ça. On n'est pas une génération de théâââtre», précise David Savard. Jouer dans des classiques ne constitue pas l'essentiel de leur boulot d'acteur, même s'ils ont tous joué Shakespeare, Molière ou Corneille. Maxim Gaudette et lui avouent être plus influencés par les acteurs de cinéma - et, par conséquent, par un type de jeu plus introverti.

Jouer l'amour pur, la naïveté, évoluer dans un univers où la légèreté est affichée (notamment par la présence d'animaux empaillés) sont un réel plaisir pour Macha Limonchik. «Je retrouve beaucoup du rêve que j'avais, jeune fille, de monter sur scène, de parler fort, de faire du théâtre», avoue-t-elle.

Et ce ton fait de plus contrepoids au cynisme ambiant. «Il y a sûrement des gens qui vont trouver ça trop joyeux, prévoit Macha Limonchik, qui se dit elle-même sensible à l'humour cynique. En même temps, chaque fois qu'on répète, je regarde mes camarades... et ça me fait sourire.»

 

Entrée en scène

> Beaucoup de bruit pour rien, du 29 septembre au 24 octobre au TNM.

> Un tramway nommé Désir, du 29 septembre au 31 octobre au Rideau Vert.

> S'embrasent, du 30 septembre au 2 octobre à la Maison des Arts de Laval.