Pour accéder à la petite salle de spectacle à l'arrière du théâtre Espace Go, nous empruntons un passage, traversons la petite loge des artistes, tiens, il y a un petit bureau à droite, et puis nous marchons tout droit... C'est là que nous attend Catherine Dajczman pour la première de son spectacle solo, Passages.

Faut-il y voir un quelconque lien avec la proposition de la jeune interprète et auteure? Car ce Passages, première création de la compagnie Nu, relève bien de l'autofiction. Catherine Dajczman y joue son propre personnage, partage avec nous ses angoisses, nous raconte son histoire et sa quête de sens.

Le spectacle d'une heure trente, sans entracte, prend un peu de temps à démarrer, sans doute parce qu'on ne sait pas trop où l'on nous mène, et où mène cette histoire (en est-ce bien une?), mais la comédienne parvient habilement à capter l'attention du public et à imposer sa présence, très forte, sur scène.

Au fond, on a l'impression d'être en dialogue avec Catherine Dajczman. Autour d'un verre ou dans son salon. Pas étonnant, donc, d'être passé par sa loge avant de prendre place... Cette impression de proximité est d'ailleurs l'effet le plus réussi de la pièce, sobrement mise en scène par Marcel Pomerlo (Momentum).

Questions et angoisse

Catherine Dajczman se pose mille et une questions sur le sens de sa vie; sur les attentes des autres; sur ses origines québéco-polonaises; sur la mort aussi. Mais elle remet à plus tard les réponses. Met sous le tapis. La peur, toujours cette peur tenace de découvrir des choses pas très jolies... Pendant ce temps, nous sommes ses confidents silencieux.

Ses crises d'angoisse et de panique - qui lui font prendre un visage parfois affreux - la mènent dans un camp de croissance personnelle (une quête de vision) dans le désert de l'Arizona, où elle est invitée à vivre ces rites de passage, qui consistent à se libérer de certaines histoires de notre passé, pour faire de la place aux nouvelles, et ainsi renaître dans... l'allégresse!

Excellente idée, ici, que cette voix hors champ (Stéphane Crête), de l'animateur du camp, dans un anglais à l'accent québécois... Également très réussie (côté scénographie), cette montagne d'objets anciens entassés dans un coin de la scène - vieux tricycle, dactylo, bouilloire, meubles, jouets, objets divers - qui sont autant d'images de notre passé, de notre enfance, bref, de notre mémoire.

Tristes souvenirs

Tranquillement, Catherine Dajczman se détache d'elle-même (enfin!), pour nous parler de son grand-père, Jonas Dajczman, juif polonais survivant des camps de la mort pendant la Deuxième Guerre mondiale. Le récit de ses tristes souvenirs est certainement l'un des moments les plus touchants de ce spectacle.

C'est d'ailleurs ce récit qui donne tout le sens aux confidences de Catherine Dajczman, fruit de ce passé trouble, mais en même temps flambeau, passeuse, battante. Même si Passages semble parfois n'être que l'exutoire de son auteure et comédienne, la pièce provoque néanmoins des turbulences que l'on ressent bien.

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Passages, du Théâtre Nu, à l'Espace Go jusqu'au 7 novembre.