Jasmine Dubé voulait depuis longtemps parler des enfants négligés ou abandonnés, mais avec chaleur et humour. Avec Les mauvaises herbes, on peut dire que l'auteure et comédienne a tenu parole.

Avec le metteur en scène, Benoît Vermeulen, ils ont trouvé une image forte. Sur scène, trois énormes pots en terre cuite accueillent des plantes, qui sont autant d'enfants orphelins en attente d'une bonne terre, ou d'une famille d'accueil, si on veut. Préparez-vous, les métaphores végétalo-humaines pleuvent!

De ces pots, émergent donc de jeunes enfants. Il y a Lina Perçue, une vesce jargeau qui n'a aucune confiance en elle; Momo, un pissenlit insécure attiré par les mots; Tatou, un chardon rebelle et coupant, qui s'automutile à la moindre occasion; et puis Bastarache, une grande asperge qui a trouvé des parents adoptifs. Le décor de Jasmine Catudal et les costumes de Marc Senécal sont vraiment réussis.

Ces plantes qui ont toutes besoin d'eau, de soleil, d'air et de soins particuliers n'ont pas toujours eu la vie facile. En témoigne leur passé triste et douloureux que nous dévoile en partie la jardinière, Flore, interprétée par Jasmine Dubé, qui n'a jamais aussi bien porté son prénom et qui a une présence forte sur scène.

Douceur, mots, silences

Il y a beaucoup de douceur dans ces portraits d'enfants récupérés. Et puis beaucoup de mots - parfois très drôles, parfois très durs - et de silences pour peindre ces tableaux végétaux, ce qui en fait un spectacle assez intimiste, qui a parfois l'air de flotter dans la grande salle bondée de la Maison Théâtre.

Pourtant, les enfants présents lors de la première de mercredi ont été étonnamment attentifs, même si après un peu plus d'une demi-heure, on a senti une certaine rumeur d'impatience ou de lassitude. Côté adulte, on a peut-être pu être choqué par les rires des enfants dans les scènes d'automutilation...

Tous les tableaux ne sont pas d'égale teneur. Les plus réussis sont peut-être ceux où les plantes interagissent entre elles. Ou lorsque les trois plantes accueillent Théo, une plante que les parents retournent à Flore, «parce qu'il ne convient pas».

Benoît Vermeulen a bien cherché à dynamiser toutes ces fleurs prisonnières de ces pots, mais c'était en même temps son but de les montrer telles qu'elles sont. Il n'empêche qu'il manquait parfois de rythme dans ce jardin d'enfants-plantes.

Les comédiens sont tous très bons. Mais c'est Vincent Bolduc, en pissenlit verbomoteur, qui ressort de la plate-bande. Son personnage, naïf et attachant, fait beaucoup réagir les jeunes spectateurs. Avec raison. Ses définitions inventées et ses constructions syntaxiques sont assez délirantes. Ses crises d'angoisse aussi.

En fin de compte, Les mauvaises herbes a le mérite de ne pas simplement montrer du doigt les parents (même si certains ont plus que leur part de responsabilité), mais bien d'attirer l'attention sur le destin de ces enfants qui, parfois, rencontrent sur leur chemin une Flore ou un pissenlit. Rencontre qui leur permet de poursuivre leur chemin. Et de trouver, comme d'autres, des fragments de bonheur.

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Les mauvaises herbes. Des Bouches décousues. À la Maison Théâtre jusqu'au 31 janvier. Pour les enfants de 7 à 12 ans.