Se mettre à 10 sur le crayon pour écrire une pièce semble un pari fou. La bande du Théâtre de la Banquette arrière, codirigé par la comédienne Sophie Cadieux, a tenté le coup pour sa nouvelle création. L'effort collectif a débouché sur Silence radio, un spectacle qui parle de... solitude. Et d'espoir.

Vivre sans fil, c'est peut-être vivre libre tout en demeurant joignable à tout moment, mais cela peut aussi signifier vivre seul. Troublant paradoxe, qui interpelle la comédienne Sophie Cadieux. «On peut être en contact avec tout le monde avec nos téléphones, nos Facebook et tout ça, mais pour pratiquer cette ultra communication, on est seul, constate-t-elle. Je pense que c'est l'une des raisons qui nous a amenés à écrire ensemble.»

Le travail d'équipe a toujours été le moteur du Théâtre de la Banquette arrière (TBA). Cet effort collectif consistait jusqu'ici à sélectionner un texte et le metteur en scène le plus apte à en faire un spectacle correspondant à la vision artistique de la compagnie. Pour leur cinquième production en moins d'une décennie, Silence radio, les 10 comédiens ont cependant décidé de prendre la plume et de se compromettre. Une création collective à l'état pur.

«Tout le monde a écrit. Ç'a été très exigeant, mais ça nous a soudés encore plus, assure Sophie Cadieux, codirectrice artistique du TBA avec Éric Paulhus. On a dû faire des microchoix tout au long du processus, en tenant compte des sensibilités des uns et des autres, sans en arriver à faire une oeuvre de compromis, pour qu'on soit entendus en tant que créateurs, en tant que personnes qui pensent.»

Le bruissement des vivants

Silence radio s'intéresse aux trajectoires parallèles d'une foule de personnages aux caractéristiques intrigantes, dont une cosmonaute russe en orbite, un charlatan, un animateur de radio clandestine, une jeune fille égarée et un adepte de théories du complot. Obligée de résumer la pièce en une phrase, la comédienne offre ceci: «Ça parle d'une multitude de solitudes en satellite dans une ville en canicule.»

«La distance entre les êtres humains, c'est un vide incroyable. Mais quand on s'est mis à réfléchir, on a vu que ce vide-là est rempli d'ondes, raconte-t-elle. Le lien entre tous ces gens-là, ce sont les ondes radio. Comment, dans leur immense solitude, ils captent celle des autres et, sans le savoir, s'imprègnent des autres.»

Comme sa précédente création, Autobahn de Neil LaBute, le TBA prend le parti de raconter une histoire en juxtaposant celles, individuelles, de plusieurs personnages. «La forme s'est imposée d'elle-même, parce qu'on a essayé de travailler sur plusieurs plans en même temps», dit Sophie Cadieux. Elle parle de cette création comme d'une oeuvre chorale, impressionniste et motivée par la volonté de «penser différemment» l'univers de la représentation.

Espace vide

Geoffrey Gaquère, metteur en scène invité pour Silence radio, affirme avoir su, dès sa première lecture, comment il pouvait monter la pièce de manière «efficace». Ce à quoi il s'est refusé. «On est à Espace libre, il ne faut pas être efficace, il ne faut pas être télévisuel, mais être le plus théâtral possible, expose-t-il. C'est-à-dire que ce que je mets sur scène, il ne faut pas que je puisse le voir ailleurs. C'était ça, la ligne directrice.»

Il a fait le pari de demander aux comédiens de jouer dans un plateau relativement vide, à l'aide d'un nombre limité d'accessoires. Les acteurs manipuleront la lumière et les éléments de décor. Le spectacle reposera sur leur capacité d'évocation et sur l'environnement sonore créé par Philippe B. (auteur-compositeur et proche collaborateur de Pierre Lapointe). «La musique est un élément fédérateur du spectacle», dit-il.

Même librement inspiré du mythe d'Icare (l'homme volant qui s'est brûlé les ailes en s'approchant trop du Soleil), Silence radio n'entend pas broyer du noir. Ce qui compte ici, ce n'est pas tant la chute, mais l'ascension et l'atterrissage. «Je trouve que la nouvelle subversion, c'est la communauté et le bonheur, avance Sophie Cadieux. Et l'espoir.»

Silence radio, du 18 février au 6 mars à Espace libre.