Où en est le rêve américain? Qui sont nos héros d'aujourd'hui? Barack Obama est-il le sauveur qu'on attendait? Sommes-nous des Américains? Autant de questions soulevées par chacun des cinq auteurs québécois des États-Unis vus par..., qui concluent le cycle états-unien du Théâtre de l'Opsis.

Considérant que les auteurs - François Archambault, Jasmine Dubé, Michel Marc Bouchard, Catherine Léger et Pierre-Yves Lemieux - avaient carte blanche et ne se sont pas consultés, il y a une étonnante cohérence dans le regard satirique qu'ils posent sur les États-Unis. Notamment sur ses glissements de terrain moraux. Mais aussi sur cette relation amour-haine que nous entretenons avec eux.

La metteure en scène, Luce Pelletier, s'est amusée à entremêler les cinq textes, déclinés en petites saynètes qui se succèdent dans le désordre, jusqu'à ce que chaque histoire trouve son dénouement. Habile procédé qui réussit bien et pourrait nous convaincre que l'ordre naît vraiment du chaos...

Je dis «pourrait», parce que même si les acteurs sautent d'une histoire à l'autre avec aisance, les textes ne sont pas d'égale teneur, ni écrits dans le même registre, donc, forcément, il y a des décalages. Mais cela ne nous empêche pas d'apprécier la réflexion des auteurs sur ces questions de société.

Le fil conducteur pourrait être cette parodie de la série télé Batman (François Archambault), éloquente métaphore de nos superhéros d'aujourd'hui. Ce qui donne à peu près ceci: Batman souffre d'épuisement professionnel; il n'est plus l'homme de la situation. Pis encore: il se laisse convaincre par une «vierge de Dieu» - envoyée par Ben Laden - que Barack Obama est un imposteur!

Autres moments forts de ce spectacle: les vox pop de Pierre-Yves Lemieux disséminés dans la pièce, qui jettent un regard cru sur l'hypocrisie de gens qui s'expriment sur divers sujets de société. Lisses en surface, mais pourris de l'intérieur. Jasmine Dubé ressuscite sa pompière du Bain, dans un monologue qui explore le plat quotidien d'une femme désillusionnée.

Michel Marc Bouchard est aussi très caustique dans Impressions, The Key of Success. Cette pièce met en scène une famille reconstituée, dont les parents sont au chômage. Ils laissent croire à leur entourage qu'ils sont en vacances, alors qu'ils se terrent dans leur sous-sol. Catherine Léger aborde la place du Québec en Amérique du Nord dans un dialogue non censuré entre deux soeurs dans Perdus, Lost.

Les comédiens n'ont pas une partition facile, mais s'en tirent tous admirablement bien. Benoît Rousseau et Jean-François Nadeau sont craquants dans leurs rôles de Batman et Robin; Catherine de Léan est particulièrement douée dans son rôle de l'adolescente prisonnière de son sous-sol; Marie-Hélène Thibault donne sa pleine mesure dans son duel avec sa soeur (Perdus, Lost).

Trois chansons ont également été écrites pour Les États-Unis vus par... Des textes de Richard Séguin, Martin Léon et Émilie Proulx chantés par les quatre comédiens au début, au milieu et à la fin du spectacle. Des interprétations qui ne passeront pas à l'histoire, mais qui sont quand même bien rendues, particulièrement dans I'm a Toy, I'm a Toy de Martin Léon.

Au final, on ressent bien ce sentiment ambigu qu'on entretient avec nos voisins du Sud. À la fois ennemis et alliés. En qui on se reconnaît et contre qui on se bat. «The cradle of the best and of the worst», chante Leonard Cohen. Pour ce qui est du rêve américain, on comprend qu'il est pas mal dégonflé, mais on a quand même l'impression qu'il existe. Pour les hommes et les femmes de bonne volonté.

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Les États-Unis vus par... du Théâtre de l'Opsis, au Prospero jusqu'au 13 mars.