Créée il y a deux ans, la pièce Ailleurs fait un retour cette semaine dans la grande salle du Théâtre Prospero. Écrit et mis en scène par Serge Mandeville, ce récit autobiographique puise dans les origines égyptiennes de l'auteur pour nous parler d'amour, d'exil et d'identité.

Serge Mandeville est égyptien. Enfin, en partie. Sa mère s'appelle Rosemonde Sayegh. Elle est née en Égypte, à Alexandrie. Et comme des milliers de chrétiens qui ont souffert du zèle islamique du président Abdel Gamal Nasser, elle a quitté son pays pour s'établir à Montréal en 1968. Où elle a refait sa vie.

Ailleurs s'inspire du vécu de la mère de Serge Mandeville et de la relation privilégiée qu'il a eue avec sa grand-mère, avec qui il a habité pendant trois ans, à Montréal, pendant ses études universitaires. «Je me suis servi de ces références-là pour écrire ma pièce, qui fait un parallèle avec le mythe d'Osiris», affirme-t-il.

Les détails du mythe sont expliqués par le personnage de Stef, par le plus grand des hasards... professeur de mythologie. Mais juste pour se mettre un peu dans le bain: Osiris tombe amoureux d'Isis, mais son frère Seth, jaloux, planifie son assassinat. Aidée par les dieux, Isis parvient à tomber enceinte de la dépouille d'Osiris, que Seth, furieux, retrouve et découpe en 14 morceaux. Ce qui n'empêche pas Isis de donner naissance à un fils, Horus.

Comme dans le mythe d'Osiris, les deux frères d'Ailleurs, Olivier et Stef, se disputent donc l'amour d'une femme, Alice, militante pro-palestinienne. Le quatrième personnage est le spectre de la grand-mère égyptienne des deux frères, Téta (grand-mère en arabe), en dialogue - et on pourrait dire en communion - avec le plus jeune frère, Olivier (notre Osiris).

En fait, tout part d'une boîte à musique dont Olivier a hérité à la mort de sa grand-mère - morte pendant son premier voyage en Égypte. Plusieurs histoires se superposent alors: le secret entourant cette boîte à musique révélé par le spectre à Olivier; la relation d'Alice avec les deux frères; et l'engagement politique de cette jeune femme dans la cause palestinienne.

Références politiques

L'action se situe en mars 2003 et, outre les références moyen-orientales et égyptiennes (on y mange même de la molokheya, plat familial égyptien!), évoque le siège de Ramallah, énième attaque de l'armée israélienne qui a pillé la ville et encerclé le bâtiment de l'Autorité palestinienne en riposte à un attentat meurtrier.

«Je fais référence à la militante américaine Rachel Corrie, qui s'est dressée devant un char israélien, qui a continué son chemin et l'a écrasée. Elle avait 23 ans», indique Serge Mandeville, qui a travaillé pendant une douzaine d'années à ce scénario. En dilettante.

Au fil des ans, tout s'est mis en place. En 2002, après avoir reçu une bourse d'écriture du Conseil des arts du Canada, il est parti en Égypte où il a découvert le pays de sa mère. Et retrouvé une partie de son identité. C'est la pièce qui lui manquait pour terminer sa création. Olivier, c'est un peu lui.

«Ce voyage a vraiment été extraordinaire. J'ai vu la maison que ma mère a habitée. J'ai retrouvé une partie de ce que je suis. Et puis j'ai tiré un certain orgueil et une fierté de mes origines! Ma grand-mère a même vu le spectacle lors de sa création en 2008.»

Serge Mandeville, qui n'était pas de la première distribution, partagera cette fois la scène avec Benoît Drouin-Germain, Véronique Marchand et Monia Chokri. Ensemble, ils nous emmènent dans cet Ailleurs, qui se passe ici, mais qui charrie tous les êtres de notre passé.

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Ailleurs, du Théâtre Absolu, au Prospero du 16 au 27 mars.