Le Théâtre Complice propose à La Chapelle un texte poignant et incisif du Français Fabrice Melquiot. Tout dans ce monologue d'une heure et quart repose sur les épaules de Denis Lavalou, qui nous plonge à la fois dans son désespoir et son désir, intact, d'aimer.

Totalement habité par les mots de Melquiot, Denis Lavalou est par moments bouleversant. Il joue juste et rythme bien ce texte rugueux en même temps que poétique. Pour encaisser tout son mal-être, il faut tout de même être dans de bonnes dispositions, je vous avertis...

L'action se situe dans un aéroport. À Madrid, mais la ville n'a pas vraiment d'importance. Assis sur un banc, près d'une jeune femme - qui partage le même dossier, mais se trouve assise dos à lui - notre homme sans nom soliloque.

Pendant la quasi-totalité de la pièce, il lui parlera (en fait, il se parle à lui-même), sans qu'elle ne bronche ou ne dise quoi que ce soit. Évidemment, puisqu'elle ne l'entend pas. À peine si elle lui lance un regard, avant de détourner la tête. Et finalement, quitter son banc pour prendre son avion.

Lui, il s'épanche. Fait le point. Avec tous les temps morts qu'exige cet exercice de réflexion. Après une nuit de beuverie, il erre dans l'aérogare. Avec sa petite valise rouge qu'il traîne avec lui et qui contient les morceaux de son passé. On comprend que sa femme l'a quitté; que sa vie a basculé. D'où ces errements. D'où cette glissade.

Mais voilà qu'apparaît cette belle jeune fille (Victoria Diamond), assise tout près de lui. Comme une lueur d'espoir. Comme pour lui rappeler que la vie continue; qu'elle est belle. Bien sûr, il ne la connaît pas. Ne sait même pas si elle parle sa langue. Mais il finira par lui dire (toujours dans sa tête): je t'aime. Avant de maudire son silence.

Les rôles muets au théâtre ne sont pas légion. Victoria Diamond compose parfaitement cette femme inconnue, dont on ne saura jamais rien, mais pour qui tous les mots de Melquiot sont destinés.

C'est beau, touchant et vrai.

Le décor et la scénographie sont hyper efficaces. Derrière le banc où se trouvent assis l'homme et la femme, une immense baie vitrée. Derrière, des projections réalistes de tarmac, de camions qui vont et viennent, d'avions qui atterrissent, qui décollent. De voix qui interpellent les passagers, etc.

L'aéroport, lieu par excellence de tous les passages, des départs comme des arrivées, bref, de toutes les possibilités, est le lieu idéal pour cet homme qui se cherche. Je ne vous révèle pas la fin, mais après le départ de la belle inconnue, il dialoguera avec son ombre avant de tourner définitivement la page de son passé.

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C'est ainsi mon amour que j'appris ma blessure. Au Théâtre La Chapelle jusqu'au 27 mars.