Ivo Van Hove a fait le pari de parler de la politique contemporaine à travers les «tragédies romaines» de Shakespeare. Il en a tiré un spectacle-fleuve qui plonge au coeur de l'information continue et de la politique spectacle.

Coriolan, Jules César et Antoine et Cléopâtre ne sont pas les plus célèbres tragédies de Shakespeare. Ni les plus séduisantes. Elles explorent la relation que l'être humain entretient avec l'exercice du pouvoir: l'ambition nécessaire pour l'obtenir, l'envie qu'il suscite, l'orgueil qu'il fait naître et l'impact dévastateur qu'il peut avoir sur les gens du commun. Ivo Van Hove n'en a cure: non seulement il les a montées toutes les trois, mais il les a raccordées en un spectacle de près six heures.

 

«Les gens pensaient que j'étais fou», avoue-t-il, des bureaux du Toneelgroep, compagnie qu'il dirige à Amsterdam. Or, ce pari osé a récolté un concert d'éloges à peine troublé par quelques bémols depuis sa création il y a trois ans. «Sa longévité est exceptionnelle «, concède Ivo Van Hove,

L'audacieuse idée de Tragédies romaines n'est pas née dans la tête d'un mégalomane. Ivo Van Hove, qui s'est notamment fait remarquer avec des adaptations théâtrales de Bergman et Cassavetes (Opening Night, notamment) ne voulait d'abord monter qu'Antoine et Cléopâtre. «Dans mes recherches, j'ai découvert une connexion avec Jules César. Ce que je ne savais pas, c'est que Coriolan avait aussi un lien avec ces tragédies romaines, raconte-t-il. Je l'ai relue et ç'a été une découverte.» L'idée des les combiner s'est vite imposée.

«Ces trois pièces parlent de politique, de stratégie politique et des mécanismes de la politique d'aujourd'hui, affirme le metteur en scène belge. Elles montrent les bonnes intentions des politiciens, mais aussi les erreurs fatales qu'ils commettent. Ces moments qui ruinent non seulement leur vie, mais celles de millions de citoyens.»

Un univers contemporain

Ces textes fascinants, mais plutôt arides, Ivo Van Hove a voulu les présenter dans un spectacle d'une facture résolument contemporaine. L'action se déroule autant dans un centre de congrès où se tiennent des débats politiques que sur des plateaux de télévision. «La médiatisation de la politique et la façon de porter son message constituent un part importante du spectacle», prévient le metteur en scène.

L'assistance, libre de ses mouvements, pourra d'ailleurs suivre la représentation sur l'un des nombreux écrans de télévision déployées dans divers points du Monument-National. Le spectacle, comme le public, sont en effet filmés en direct. Clin d'oeil ludique et inspiré à l'information continue et à la politique-spectacle. «Ce n'est pas interactif, ce n'est pas comme si les spectateurs devaient faire quelque chose», précise Ivo Van Hove.

Tragédies romaines se déploie dans une atmosphère très décontractée, répète plusieurs fois le directeur du Toneelgroep, qui croit qu'un spectateur peut très bien prendre une pause d'une demi-heure pour ensuite revenir au spectacle.

«Il se peut que des spectateurs manquent la tirade d'Antoine, convient-il, mais ils ne perdront pas le fil pour autant. Il en est de même dans la vraie vie. On manque plein de nouvelles importantes et c'est le sentiment que je voulais donner aux gens. La politique, c'est 24 heures sur 24. Il y a toujours quelqu'un, quelque part, qui prend une décision importante pendant que nous dormons.»

Tragédies romaines, les 28, 29 et 30 mai, au Monument-National.