On entre dans Soupers comme on entre dans un restaurant. Les spectateurs s'attablent, à deux, à trois ou à quatre, placés par une sympathique hôtesse. C'est de cette salle à manger que nous devenons les témoins silencieux de ces soupers croisés imaginés par Simon Boudreault (Sauce brune).

D'abord un souper entre une mère et son fils qui souffre d'embonpoint (Marc-Antoine), scène d'ouverture qui donne le ton de cette comédie grinçante sans temps mort. Il s'agit d'un souper d'anniversaire, celui des 33 ans de fiston, qui tourne d'ailleurs au vinaigre après une scène de confrontation. Mais aussi en raison de l'absence de la soeur du fêté, qui se dépatouille avec ses deux jeunes filles et qui boude sa mère à la suite d'une dispute.

Sophie Clément est craquante dans le rôle de cette mère envahissante, à la fois centrée sur elle-même et inquiète de l'avenir de ses rejetons; tandis qu'Alexandre Daneau, noyau central de ces histoires de famille, joue parfaitement, et avec finesse, le rôle de ce garçon «bien enveloppé», réfugié dans les jeux vidéo, qui peine à entrer en relation avec les autres.

Simon Boudreault parvient encore une fois à nous immerger dans le quotidien de ses personnages avec humour et tendresse. Des personnages auxquels on s'identifie facilement, qui peinent à être heureux. Simplement.

D'autres soupers sont également mis en scène, notamment celui du frère et de la soeur, interprétée par Caroline Lavigne (excellente), copie crachée de sa mère, qui fête son frère «avant son souper d'anniversaire»; les soupers de Marc-Antoine avec son chat «Guy»; et les soupers de Marc-Antoine avec Josée (Catherine Ruel), collègue dont il tombe amoureux, mais qui ne veut rien savoir de lui.

Le choix de l'auteur et metteur en scène de nous placer au coeur de ces conversations intimes (et parfois banales), parmi les personnages attablés près de nous, s'avère extrêmement efficace. Ces bribes de vie partagées pendant le repas sont autant de confidences d'oreillers, qui nous renseignent sur le mal-être ou les préoccupations des personnages, tous très attachants.

Les transitions entre les multiples conversations, qui forcent Alexandre Daneau à se promener d'une table à l'autre, sont habituellement bien réussies, même si on se tord parfois le cou à le suivre, et même si lui paraît parfois à bout de souffle. Honnêtement, on a envie de revenir dans ce restaurant, épier de nouvelles conversations bassement quotidiennes qui ne sont pas les nôtres, mais qui nous touchent quand même.

Les nombreux parallèles avec le monde des jeux vidéo sont pertinents et mettent en relief la solitude du personnage de Marc-Antoine, que personne n'écoute vraiment, mais aussi ses maladresses.

Au final, Soupers fait également la démonstration éloquente que ces soupers de famille, formidables moments de retrouvailles et aussi de tensions, sont parfois tout ce qu'il nous reste pour affronter le monde, malgré toutes les imperfections des membres qui la composent.

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Soupers, au Théâtre d'Aujourd'hui jusqu'au 26 février.