Le coefficient de difficulté était élevé. Présenter coup sur coup quatre performances solos qui découlent de quatre contes distincts (écrits à la première personne sur un mode narratif) ayant pour thème des villes mortes n'était pas un pari gagné d'avance.

Dans pareilles circonstances, difficile d'obtenir une note parfaite. Villes mortes a ses hauts et ses bas, ses économies et ses excès, sa puissance dramatique et sa langue parfois maltraitée, même si l'on reconnaît le talent indéniable de l'auteure, Sarah Berthiaume, et la pertinence de la pièce dans son ensemble.

Le premier conte est certainement le plus percutant. Nous sommes à Naples, en Italie, près du Vésuve, célèbre volcan qui a englouti la ville de Pompéi en l'an 79. L'histoire d'une jeune fille, qui vit une peine d'amour dans une chambre d'hôtel, se mêle magnifiquement bien à l'histoire de cette première ville morte, qui a jadis pétrifié ses habitants.

Malheureusement, l'interprète Céliane Trudel ne parvient pas à communiquer toute l'émotion de ce texte fort qui pourtant hurle le désespoir et la solitude du personnage. Sans conviction, ni couleur, elle nous livre son texte tel un volcan éteint... Même les deux musiciens sur scène (Navet confit et Géraldine), censés créer une ambiance sonore pendant les contes et aussi entre eux, sont silencieux.

Le deuxième numéro est porté par son auteure, Sarah Berthiaume, qui nous raconte sa courte vie à Gagnonville, ville minière fermée en 1984, qui a déraciné ses habitants. Plus poignant, livré avec beaucoup d'humour, avec de judicieuses interventions musicales, on s'attarde à la difficile relation entre un père mineur et sa fille, qui ne parviennent pas à se comprendre.

Encore une fois, le parallèle avec la ville morte prend tout son sens, même si on commence à glisser dans l'univers fantastique souhaité par l'auteure, qui déroute (pourquoi pas), mais qui a parfois des airs de rêve incohérent. On a voulu s'accrocher à la réalité, mais en même temps, on fait tout pour s'en détacher. Cette contraction n'est pas toujours convaincante.

La troisième ville morte est une heureuse provocation: on y parle du quartier Dix30, ville morte, car occupée par des zombies, monstres de la surconsommation qui nous habitent et nous détruisent. La performance très physique de la comédienne Stéphanie Dawson nous garde en éveil, même si on commence à trouver les liens plus ténus avec le thème de la pièce.

La conclusion de Villes mortes nous transporte dans un Tim Hortons de Kandahar (en Afghanistan) où une jeune fille s'y trouve pour se faire un peu d'argent, afin d'emmener sa fille de 3 ans à Disneyland. Mais voilà, un matin, elle pète les plombs, se demande pourquoi elle est là, pourquoi elle a abandonné sa fille, etc. Son café lui parle, lui dit d'aller voir la sorcière du village, et là, vraiment, on décroche. Même le jeu habile et énergique de la comédienne Joëlle Paré-Beaulieu n'y peut rien. On se met à regretter le Vésuve et même Gagnonville...

La mise en scène minimaliste de Bernard Lavoie (Le Projet Laramie, Extrémités) est centrée sur ce lit baldaquin, lieu intime d'où les quatre jeunes filles nous content leur histoire. Un lit qui se déplace sur la scène jusqu'à basculer complètement dans le dernier conte. On mise bien sûr sur le pouvoir d'évocation des comédiennes, malheureusement inégal. Le metteur en scène fait toutefois bien ressortir la solitude des quatre personnages.

La présence sur scène de Navet confit et Géraldine n'est pas toujours heureuse. Trop en marge des quatre récits. Et parfois même agressante. On s'est aussi servi de la fameuse cagoule de Géraldine pour encagouler les comédiennes sur scène. Mais cette fantaisie de Géraldine finit par être agaçante. Jusqu'à lui donner beaucoup trop d'importance.

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Villes mortes, au Théâtre d'Aujourd'hui jusqu'au 23 avril.