Plusieurs talents ont surgi dans toutes les disciplines artistiques cette année. Les Arts vous présentent neuf de ces nouveaux visages d'ici le 30 décembre. Aujourd'hui: Benoît Drouin-Germain, louangé par la critique pour son interprétation d'un mathématicien révolutionnaire dans la pièce Contre le temps, sous la direction de René Richard Cyr. Six ans après sa sortie de l'école de théâtre, l'acteur se penche sur son métier. Avec fébrilité.

Petit, air juvénile, tuque vissée sur la tête, bottines délacées, lourd sac à dos et café à la main, l'acteur qui se pointe à La Presse ressemble plus à un ado allumé qu'à un jeune premier ténébreux. Discret, Benoît Drouin-Germain n'a rien du cliché du «théâtreux» qui se voit toujours en haut de l'affiche. Il se décrit comme «un casanier, amateur de hockey et de jeux vidéo qui passe beaucoup de temps devant son ordinateur». Ou à travailler...

«C'est un p'tit boy», s'exclame le metteur en scène René Richard Cyr, qui l'a dirigé pour la première fois au Théâtre d'Aujourd'hui en novembre dernier. «Son jeu est très physique, masculin, viril, groundé... Benoît a excessivement de rigueur et d'intelligence dans le travail.»

Pourtant, la Muse de la tragédie ne s'est pas penchée au-dessus de son berceau. «Très jeune, j'étais hyperactif et incapable de me concentrer longtemps, dit l'acteur de 29 ans. Je me voyais davantage en sport.»

«J'ai joué au soccer, au basketball (malgré mes 5 pieds 7 pouces); le théâtre est arrivé plus tard.»

Originaire de Trois-Rivières, Benoît Drouin-Germain est l'unique garçon d'une famille de cinq enfants. Ses parents étaient tous deux enseignants et musiciens (l'une de ses soeurs est pianiste). Dès l'enfance, il apprend la discipline et l'importance du travail. Mais il est aussi capable de faire le clown en classe!

Le théâtre arrive par hasard à la fin du secondaire. L'élève tombe sur une petite annonce: une école de filles de la région a besoin d'acteurs pour monter une pièce. L'expérience sera concluante. Il décide de faire un DEC en Théâtre et médias au cégep de Trois-Rivières. Et il met les bouchées doubles: ligues d'impro, stages de jeu, cours de diction... Puis quatre ans de formation en jeu au Collège Lionel-Groulx.

«À Sainte-Thérèse, mes professeurs me donnaient de bonnes notes. Ils disaient que mon jeu était bon, mais académique. J'ai alors compris qu'un acteur doit faire plus que livrer la marchandise. Et j'ai commencé à prendre des risques.»

À sa sortie, en 2005, il plonge dans la création tous azimuts à Montréal. Avec des compagnies en marge comme le Théâtre néo-futuriste (Pièces pour emporter) ou le Festival Fringe. Il fait des tournées dans des spectacles jeune public pour le Clou, le Youtheatre et le DynamO Théâtre. Avec cette dernière compagnie, l'interprète voyage en Europe pendant près d'un an: «Je jouais avec des acrobates pas tuables, dit-il. On faisait la fête, ville après ville, presque tous les soirs. Et le lendemain, on devait se lever à 7h du matin pour faire nos exercices et se préparer pour les représentations qui avaient lieu en fin d'avant-midi!»

Puis arrivent les piges pour des théâtres institutionnels. On le voit surtout au Théâtre d'Aujourd'hui dans Province Playhouse de Normand Chaurette; Toxique, aux côtés d'Élise Guilbault et de Guy Nadon; puis ce premier rôle dans Contre le temps de Geneviève Billette: «Au party de fin de production, début décembre, je l'ai remercié d'en avoir donné encore plus que ce que le metteur en scène lui avait demandé», dit René Richard Cyr.

Jogger en répétant

Pour Benoît Drouin-Germain, le jeu est un éternel apprentissage. Il adore autant être sur scène que le travail de préparation à un rôle. Mais en bon hyperactif, il a du mal à rester chez lui et à se concentrer plus d'une heure sur un texte. «Je travaille moins intensivement, mais presque tout le temps. J'apprends mes répliques en cuisinant mon souper, en faisant mon jogging sur le mont Royal ou en allant à un rendez-vous.»

Son hiver s'annonce aussi chargé. L'acteur sera de la distribution de la nouvelle pièce d'Alexis Martin au Nouveau théâtre expérimental, Invention du chauffage central en Nouvelle-France. Le premier volet d'une «saga historique» à l'affiche en février prochain. Il fait partie de la nouvelle série de TVA, O', avec Guy Nadon et Marie Tifo. En plus de jouer dans le film Les poètes de Ferré (sortie prévue: été 2012).

«Benoît pèse toujours le pour et le contre», raconte le comédien David Michaël, son grand ami de Trois-Rivières et collègue de classe à Lionel-Groulx. «Il est très humble. Il ne pense pas à la célébrité; il voit ce métier à long terme. Son but, c'est de durer et d'avoir la reconnaissance de ses pairs.»

Pour le dernier but, on peut dire que le joueur de basket a déjà fait un panier!