Excusez-là, mais la nouvelle création du Théâtre Sans domicile fixe a du chien... Même si certains segments de l'intrigue un peu tordue imaginée par Pier-Luc Lasalle sont tirés par les cheveux, L'anatomie du chien a du ressort, c'est le moins qu'on puisse dire.

Le point de départ de l'auteur: l'impact d'une rupture amoureuse sur un groupe d'amis. L'histoire? Un jeune couple aux vieilles habitudes reçoit des copains à souper: un couple tout aussi usé et un ami (Henri), nouvellement célibataire, qui se présente avec son chien, acquis pour combler «le vide».

Rien d'extraordinaire au premier abord. Une scène de vie quotidienne en somme. Sauf que ce chien, interprété par Marie-Michelle Garon, a toutes les apparences de l'ex-petite amie d'Henri... Et que chacun des personnages réagira différemment à sa présence, dévoilant le meilleur et le pire de ce qu'ils sont.

Il n'y a qu'au théâtre qu'on peut se permettre ce genre de fantaisie. Mais ce parti pris n'était pas gagné d'avance. On en a vu d'autres se casser les dents pour moins que ça...

Mais le metteur en scène Charles Dauphinais créé toute l'ambiguité nécessaire pour donner vie à ce personnage muet improbable. Personnage qui se promène à quatre pattes, recouvert de poils, mais avec un visage tout ce qu'il y a d'humain. Extraordinaire miroir qui révèle la vraie nature de chacun. Le chien aurait pu être un bébé, l'effet aurait été le même.

Comédie noire, mais aussi intrigue, puisque les motifs et surtout les circonstances véritables de la rupture se précisent au fur et à mesure de l'histoire, L'anatomie du chien n'est pas tendre envers ces couples pathétiques, englués dans leur quotidien, incapables d'authenticité. Perdus d'avance.

Solide distribution

La distribution est solide. À commencer par le couple-hôte interprété par Agathe Lanctôt, parfaitement castratrice, et Simon Rousseau, excellent. La relation de ces deux-là se morcelle petit à petit jusqu'à l'éclatement. Le couple invité, interprété par Sharon Ibgui et Emmanuel Reichenbach, est plus inégal. Si lui joue de nuances, elle tombe la plupart du temps dans la caricature.

Mais la pièce de résistance, c'est Sébastien Dodge, qui compose un personnage troublant, entretenant avec sa chienne une étrange relation basée sur la domination. Le célibataire cocu contribue largement à créer les nombreux malaises ressentis dans la salle, et à soulever les questions qui nous renvoient constamment à la sincérité de nos rapports affectifs.

À la fin de la représentation, jeudi soir dernier, les spectateurs sont restés bien assis dans leur chaise; ils se sont regardés un peu interloqués, sans doute sonnés par la dernière réplique de Simon Rousseau, puis, ils ont commencé à disséquer cette Anatomie... Que peut demander de plus un auteur?

Dans la petite salle Jean-Claude Germain du Théâtre d'Aujourd'hui jusqu'au 28 janvier.